par Laurent Mercié, avocat au Barreau de Paris
Une décision de la Cour de cassation (1) apporte d’utiles précisions sur la chaîne des responsabilités du garagiste et de ses sous-traitants. Voyons ce qu’il en est…
Faute de pouvoir disposer de toutes les compétences ou de l’outillage requis, il est extrêmement fréquent dans la pratique que le garagiste, a fortiori lorsqu’il s’agit d’un restaurateur de véhicules anciens, soit amené à sous-traiter certains travaux.
Sellerie, rectifications et usinages divers, réglages de trains roulants etc…sont autant de tâches que même le réparateur le plus aguérri n’hésite pas à confier à des entreprises extérieures afin de mener à bien dans les règles de l’art les travaux de remise en état qui lui sont confiés.
Seulement voilà, lorsque survient une difficulté liée à une malfaçon dans l’un de ces travaux sous-traités, qu’en est-il des responsabilités respectives du garagiste et de son sous-traitant ?
Rappel des faits de l’espèce
Voici un garagiste qui, pour la réfection du moteur d’un camion, confie à un sous-traitant spécialisé la rectification du vilebrequin.
Quelques temps après la restitution du véhicule à son propriétaire, le moteur casse et ce dernier assigne en Justice le garagiste. Le réparateur considérant quant à lui que l’avarie du moteur trouve son origine dans les travaux de rectification du vilebrequin, il se retourne contre son sous-traitant pour être garanti par lui des conséquences de l’action du client insatisfait.
Une expertise judiciaire est ordonnée et révèle une différence de densité dans les molécules du métal constituant le vilebrequin ainsi qu’une rectification du maneton cassé de plus de 0,30 par rapport aux autres manetons.
En revanche, le rapport d’expertise ne fournissant aucune précision technique sur la relation pouvant exister entre l’intervention du sous-traitant et la cassure survenue sur le maneton rectifié, la Cour d’appel avait décidé que la responsabilité du sous-traitant ne pouvait être recherchée.
Mais la Cour de cassation ne l’a pas suivi dans cette voie. En effet, elle pose en principe que le sous-traitant est contractuellement tenu envers le garagiste qui l’a chargé d’un travail d’une obligation de résultat qui emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage.
Dès lors, l’enjeu se situe au niveau de celui qui supporte la charge de la preuve : il revient au sous-traitant de démontrer qu’il n’a commis aucune faute et non au garagiste de rapporter la preuve qu’une malfaçon est imputable à son sous-traitant.
Le garagiste en première ligne
Ceci dit, vis-à-vis du client, le garagiste sera tenu de l’indemniser de l’intégralité de son préjudice en cas de panne, à charge pour celui-ci de se retourner éventuellement contre le véritable fautif, le sous-traitant qui aurait exécuté un travail défectueux.
A ce propos et dans l’affaire évoquée, la Cour d’appel avait décidé qu’un sous-traitant comme un rectifieur ne pouvait être tenu de conséquences dépassant les limites de son intervention spécialisée et ponctuelle.
Mais sur ce plan encore, ce n’est pas la position adoptée par la Cour de cassation. En effet, si le sous-traitant commet une faute, sa responsabilité pourra être étendue à la totalité des conséquences financières engendrées et non simplement limitée à la valeur de la pièce endommagée. Dans notre exemple, les conséquences d’une malfaçon dans la rectification d’un vilebrequin pourront ainsi s’étendre pour le rectifieur bien au delà du prix du vilebrequin. Elles pourront notamment comprendre la remise en état complète du moteur détruit (coût de la main d’oeuvre pour la dépose et la repose, pièces détachées etc…) mais également tous autres chefs de préjudice supportés comme par exemple l’immobilisation du véhicule.
Limitation de garantie
Du fait de la gravité des conséquences potentiellement engendrées au regard du coût souvent minime de son intervention, il est de l’intérêt du sous-traitant de faire figurer expressément dans ses conditions générales une clause de limitation de garantie.
Précisons cependant qui si une telle clause pourra être reconnue valable lorsque le client est un garagiste, elle n’aura en revanche aucune efficacité lorsque l’intervention aura été directement commandée par un particulier.
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(1) Cour de cassation, 1ère ch. civile, 21 octobre 1997, Jurisp. auto