par Laurent Mercié, avocat au Barreau de Paris
La validité d’un contrat de vente suppose d’abord que le consentement des parties soit libre et éclairé, c’est-à-dire qu’il ne soit empreint d’aucun des « vices du consentement » reconnus par notre Droit.
C’est l’article 1109 du code civil qui dispose « qu’il n’y a point de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol. »
Exclusion faite de la violence qui reste une hypothèse très marginale (c’est celle où une partie signe sous la contrainte), l’erreur et le dol sont les deux vices du consentement qui pourront le plus souvent être rencontrés lors de la conclusion d’un contrat de vente d’un véhicule.
L’erreur et le dol ont en principe vocation à affecter surtout le consentement de l’acheteur, même s’il n’est pas exclu que le vendeur puisse également en être victime : ce serait par exemple l’hypothèse, presque purement théorique, où il vendrait par erreur une automobile croyant qu’il s’agit d’une réplique alors qu’elle s’avèrerait par la suite être un exemplaire authentique.
L’erreur
L’erreur, c’est l’appréciation inexacte par l’acheteur d’une qualité essentielle de l’automobile achetée.
Pour justifier l’annulation du contrat, l’article 1110 du code civil impose que l’erreur ait porté sur la « substance même » de la chose c’est-à-dire sur les qualités essentielles de l’automobile vendue.
Deux catégories de « qualités essentielles » sont à distinguer : celles qui le sont de manière objective, tout le monde s’accordant à leur propos (authenticité de l’auto, état général etc… ) et celles qui relèvent d’une analyse de la psychologie de l’acheteur qui attendait telle qualité spécifique que le véhicule n’offre pas en réalité (puissance, capacité de chargement etc…).
Dans ce dernier cas, l’erreur de l’acheteur ne pourra entrainer la nullité de la vente que s’il prouve non seulement que cette qualité était déterminante pour lui mais également qu’il en avait averti le vendeur.
Compte tenu de ces principes, les erreurs les plus couramment invoquées portent sur l’état et sur le millésime du véhicule vendu.
Pour l’état, lorsque le vendeur en a fait à tort une présentation élogieuse, l’erreur de l’acheteur sera constituée par le fait qu’il pensait acquérir un véhicule fiable susceptible de rouler longtemps (1).
En ce qui concerne le millésime, les Tribunaux considèrent depuis longtemps qu’il constitue une qualité essentielle des voitures d’occasion (2).
Pour les véhicules anciens, cette solution doit être nuancée car le millésime n’est pas toujours une caractéristique essentielle.
Pour certains véhicules, il est indiscutablement de nature à influer sur leur intérêt. Les amateurs éclairés savent qu’il existe des années au cours desquelles la production de certains constructeurs ou de certains modèles (voire ceux sortis de telle usine plutôt que de telle autre) étaient affectés de vices de fabrication auxquels il pourrait être onéreux ou même techniquement impossible de remédier.
En revanche, pour d’autres marques ou d’autres modèles, le millésime est pratiquement neutre, notamment en ce qui concerne leur cote dans les transactions.
L’appréciation d’une éventuelle erreur en la matière relève donc d’une analyse au cas par cas.
Sachez en outre que l’erreur sur la valeur n’est pas une cause de nullité du contrat mais que le prix est souvent un élément d’appréciation important pour les magistrats : si l’on paye cher un véhicule, c’est qu’on croit pouvoir en attendre certaines qualités.
De plus, pour être efficacement invoquée, l’erreur ne doit pas être « inexcusable », ce qui serait par exemple le cas de celui qui achète un véhicule d’une marque inexistante (3)…
Le dol
Le dol, c’est le nom que l’on donne à la tromperie ou au mensonge dans le vocabulaire propre au droit civil.
L’exemple classique du dol – on parle de manoeuvre dolosive – c’est le fait pour le vendeur d’une maison de la faire visiter le jour d’une grève aérienne pour cacher l’existence du terrain d’aviation qui jouxte le fond du jardin….
Transposé à l’automobile, on imagine bien quelles manoeuvres constituent un dol : maquillage de l’état du véhicule (4), modification du compteur kilométrique (5) etc…
Il est même admis que le dol puisse être constitué par le simple silence gardé par le vendeur sur une circonstance intéressant forcément l’acheteur comme par exemple un accident antérieur grave (6).
Pour justifier l’annulation d’un contrat de vente, l’article 1116 du Code civil précise que les manoeuvres pratiquées par l’une des parties doivent être telles qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.
Pour reconnaître l’existence d’une errreur ou d’un dol, les magistrats sont donc conduits à se livrer à une analyse psychologique du comportement des parties lors de la conclusion du contrat. Il faut savoir qu’ils sont assez sévères.
La sanction de l’erreur et du dol
L’existence d’une erreur ou d’un dol affecte la validité du contrat de vente et la sanction prévue est la nullité de l’accord : la vente est anéantie et chaque partie doit restituer à l’autre ce qu’elle a reçu.
Le vendeur rend le prix, l’acheteur rend le véhicule.
(1) CA Colmar 19 mars 1990 – cass, 1ère civ. 25 mai 1992
(2) TI Bordeaux, 20 novembre 1986, Jurisp. Auto. 87, p.29
(3) Cass.,1ère civ., 27 juin 1973, Bull. civ. I n° 221
(4) Cass., 1ère civ., 16 avril 1991, Jurisp. auto. 1991 p.384
(5) Cass., 1ère civ., 18 mars 1981, Jurisp. auto. 1981 p.157
(6) CA Versailles, 1ère Ch., 26 juin 1992, Jurisp. auto. 1993, p. 144