Modifications notables et véhicules de collection : quels risques?

C’est légitime de souhaiter personnaliser son véhicule, qu’il soit moderne ou ancien. Mais cela ne doit pas entraîner des « transformations notables ». Pour le marché des véhicules anciens, acquérir un véhicule de collection transformé peut entraîner bien des difficultés pour l’acquéreur notamment s’il sollicite auprès de la Fédération Française des Véhicules d’Epoque (FFVE), pour le faire immatriculer en certificat d’immatriculation de collection une attestation de datation et de caractéristiques, qui ne peut être délivrée qu’à des véhicules « en état d’origine ».

Il est toujours tentant pour un particulier, voire pour un professionnel, d'améliorer une voiture de collection, surtout lorsque de nombreuses pièces mécaniques, parfois rassemblées en kits, sont disponibles ou qu’il est aisé mécaniquement de greffer des éléments de versions ultérieures.

Lors de l'achat, la prudence s'impose donc avant d'acquérir un véhicule qui vous semble modifié déjà visuellement. S'il s’agit d’une simple personnalisation limitée, un simple "tuning" avec des modifications mineures, telles que des boucliers, bas de caisse, petits accessoires, décorations adhésives, volant ou sièges, cela ne pose pas de difficulté, sauf si, par exemple, des sièges sont ajoutés car le nombre de places, qui figure sur le certificat d’immatriculation, est donc augmenté.   Il en va autrement si le véhicule a subi des "transformations notables" au sens de l'article R. 321-16 du Code de la Route qui prévoit que : « Tout véhicule isolé ou élément de véhicule ayant subi des transformations notables est obligatoirement soumis à une nouvelle réception. Le propriétaire du véhicule ou de l'élément de véhicule doit demander cette nouvelle réception au préfet. Le ministre chargé des transports définit par arrêté les transformations notables rendant nécessaires une nouvelle réception. ».

Quelle limite entre amélioration et transformations notables ?

L’Administration explique clairement les limite qu’elle pose entre « personnalisation d’un véhicule par des modifications mineures » et « transformations notables » dans une circulaire du 19 juillet 1974 : constituent des transformations notables les modifications affectant les mentions indiquées sur le certificat d'immatriculation, encore appelée en pratique  « carte grise », et les indications contenues dans la notice descriptive du véhicule établie par le constructeur (document que l’on appelait autrefois la « fiche des Mines »), un document malheureusement difficile ou impossible à obtenir pour certains véhicules anciens. C’est à dire, en particulier, tout ce qui concerne la constitution du châssis, la carrosserie, la suspension, le nombre d’essieux, l’empattement, les voies et porte-à-faux avant et arrière, le poids et les charges par essieux, le moteur, la transmission du mouvement, la direction (volant non compris) et les freins. Vous le voyez, le champ des éléments du véhicules non modifiables est volontairement large.

Parmi les indications figurant sur le certificat d’immatriculation, il est évident que la puissance du véhicule et le type de carrosserie sont des données ne pouvant être modifiées.

transformer en cabriolet, un exercice tentant si le cabriolet a une cote bien supérieure. D’une manière générale, au-delà du simple « tuning », en réalité peu de modifications importantes peuvent donc être effectuées sur un véhicule destiné à circuler sur la voie publique. Et dans le cas où celles-ci touchent les éléments énoncés ci-dessus, le véhicule ne doit pas circuler sur la voie publique. Sauf si son propriétaire s’oblige à entamer (et réussir) un processus de « réception à titre isolé ». Réception à titre isolé, de quoi parle-t-on?

La Réception à Titre Isolé (RTI)

Une « réception à titre isolé » (la « RTI ») est un processus qui va conduire l’Administration à examiner les modifications effectuées sur le véhicule puis, éventuellement après quelques aménagements, si elles sont validées, à délivrer un certificat de conformité qui permet ensuite l’obtention d’un nouveau certificat d'immatriculation. En effet, lorsqu’un véhicule est homologué, il répond à certaines caractéristiques et normes notamment en termes de sécurité. Lorsque les caractéristiques du véhicule sont notablement modifiées et qu’il n’est donc plus conforme à son homologation, son propriétaire est tenu de déclarer de telles transformations en préfecture dans le délai d'un mois de la modification. Il doit alors effectuer cette démarche de « réception à titre isolé » du véhicule auprès de la Dreal (« Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement », ou de la Drieat (« Direction régionale et interdépartementale de l’Environnement, de l’Aménagement et des Transports) pour l’Ile-de-France.

La démarche peut se révéler délicate et fastidieuse pour un particulier si le véhicule a fait l’objet de nombreuses modifications. Dans la pratique, il est conseillé de se faire assister par un professionnel de la vente de véhicules d’occasion. Elle nécessite en effet de produire des documents techniques, de répondre aux questions de la DREAL qui fait subir des tests au véhicule et de procéder aux aménagements réclamés par celle-ci en particulier au regard de la sécurité. Il faut être conscient que, parfois, des véhicules trop modifiés ne pourront pas obtenir de réception à titre isolé. Quand c’est le cas ou quand la démarche n'a pas été effectuée, le propriétaire du véhicule s’expose à des difficultés s’il circule avec celui-ci sur la voie publique.

Des risque au pénal et au civil

Au plan pénal, le propriétaire d’un véhicule qui ne déclare pas les transformations notables en Préfecture dans le délai d'un mois de la modification peut être théoriquement poursuivi, même si c’est rare en pratique. Le fait de mettre ou de maintenir en circulation un véhicule notablement transformé constitue une contravention de la 4e classe punie au maximum d’une amende de 750 €. Le fait de le vendre ou de le mettre en vente constitue une contravention de la 5e classe punie au maximum de 1500 € ou de 3000 € en cas de récidive (art. R. 321-4 du Code de la route). Le préfet peut aussi prescrire l'immobilisation du véhicule transformé et sa mise en fourrière.

Au plan civil, les transformations notables ont plusieurs conséquences juridiques. Elles ont un effet sur le contrat d’assurance automobile, puisqu’elles modifient l’évaluation du risque par l’assureur, le calcul de la prime d’assurance étant effectué sur la base des déclarations de l’assuré. Celui-ci est donc tenu d’informer l'assureur à la souscription et pendant la durée du contrat du fait que le véhicule assuré a fait l’objet de transformations notables, par exemple en lui fournissant une expertise du véhicule décrivant les modifications. A défaut, en cas d'accident, cela peut entraîner, selon les cas, une réduction de l’indemnisation ou la nullité du contrat d’assurance, l’assureur gardant les primes payées. L’article L. 113-8 du Code des assurances prévoit ainsi que « le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre. Les primes payées demeurent alors acquises à l'assureur, qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts. »

En matière civile, la revente d’un véhicule de collection ayant subi des modifications notables peut également s’avérer problématique, surtout si l’acquéreur n’en a pas été préalablement informé. Il est ainsi conseillé au vendeur de conserver une preuve écrite établissant que l’acheteur a bien été informé de celles-ci, et qu’il acquiert donc le véhicule en toute connaissance de cause.

Les transformations notables affectant un véhicule peuvent, si l'acquéreur n'en a pas été dûment informé avant la vente, permettre de la faire annuler sur les fondements de l'erreur sur les qualités essentielles, du dol ou d’obtenir la résolution de la vente pour défaut de délivrance d’une chose conforme. Régulièrement, les tribunaux prononcent la résolution de la vente d’un véhicule non conforme ou qui été modifié, par exemple lorsque le moteur monté dessus ne correspond pas au moteur d’origine et est plus puissant, ou bien simplement comme dans un arrêt de la 1ère Chambre Civile de la Cour de cassation du 17 octobre 2018 lorsque « les quatre pneus, jantes et ressorts de suspension du véhicule n’étaient pas conformes aux indications du constructeur ». Les tribunaux sont d’autant plus sévères en cas de transformation notable lorsque le vendeur cède le véhicule en déclarant et garantissant expressément dans le certificat de cession que le véhicule n'a subi aucune transformation notable.

 


Cession d'un véhicule non roulant

Il n’est en principe plus possible depuis 2009, de céder un véhicule non roulant sauf à un professionnel.

Pourtant une solution existe en cas de vente entre particuliers.

Il suffit de le soumette à un contrôleur technique qui mentionnera au titre des défaillances majeures au point 0.4.1.a.2 : Etat de présentation du véhicule : « Etat du véhicule ne permettant pas la vérification des points de contrôle » et prescrira une contre visite. Néanmoins, ce contrôle technique est valable durant deux mois, délai qui vous permettra de solliciter la carte grise (article R 322-5 6° du code de la route). En tout état de cause la demande de certificat d’immatriculation doit être faite dans le mois qui suit l’achat.

Si dans les deux mois le véhicule n’est pas remis en route et ne peut être soumis à une contre visite, il conviendra de repasser un nouveau contrôle afin de pouvoir circuler.

Me Pierre Echard-Jean


Histovec : des données utiles sur les véhicules d’occasion avant d’acheter

Avant l’acquisition d’un véhicule de collection ou d’un véhicule d’occasion, il est utile d’obtenir des informations sur son historiques, ses propriétaires précédents, en plus du lot de factures d’entretien et de réparations éventuelles.

L’achat d’un véhicule d’occasion peut poser des difficultés dans de nombreux cas, car parfois son historique, son entretien passé ou sa provenance ne sont pas divulgués à l’acheteur, surtout s’il est importé de l’étranger. Dans le pire des cas, l’acheteur peut acquérir un véhicule gravement accidenté et mal réparé ou bien même un véhicule volé, ce qui peut lui valoir bien des tracasseries.

Dorénavant, les citoyens ont accès à un site du ministère de l’intérieur qui se veut une mine de renseignements pour les personnes désirant acquérir un véhicule d’occasion. Il faut préciser que cet outil est utilisable pour les véhicules immatriculés en plaques françaises qui ont déjà un historique dans le système des immatriculations, contrairement à des véhicules importés de l’étranger.

Le site HISTOVEC (https://histovec.interieur.gouv.fr) mis en place par le ministère de l’intérieur a pour but de mieux protéger les acheteurs de véhicules d’occasion et de renforcer la transparence lors de leur vente.

Il permet ainsi au propriétaire d’un véhicule d’occasion relativement récent enregistré dans le système actuel d’immatriculation SIV, en fournissant ses coordonnées et les informations d’identification du véhicule, de faire émettre gratuitement un rapport sur son véhicule, consultable pendant quatre semaines. Il lui revient alors de transmettre à l’acheteur intéressé un lien vers le rapport sur son véhicule sur le site HISTOVEC. Un acquéreur potentiel peut demander en ligne sur le site au propriétaire via un message électronique un tel rapport pour partager l’historique et les caractéristiques du véhicule.

Parmi les informations fournies figurent notamment l’origine du véhicule, sa date de mise en circulation, d’achat, de revente, sa situation administrative, une éventuelle déclaration de vol, l’application d’une procédure de véhicule endommagé, une opposition ou un gage. En pratique, nombre de ces informations figurent aussi sur l’avis de situation administrative détaillé délivré par le ministère de l’intérieur.

Une vérification préalable du rapport généré par HISTOVEC avant tout achat d’un véhicule d’occasion devrait éviter bien des soucis aux futurs acheteurs. Si le vendeur refuse de transmettre ce rapport, cela ne sera pas très bon signe pour un acheteur potentiel du véhicule, aura ainsi intérêt à passer son chemin.

Me Grégoire Marchac
Avocat à la Cour de Paris
Administrateur de l’Association des Avocats de l’Automobile.


Véhicule immatriculé en collection

Le paradoxe de la carte grise de collection

L'acheteur doit être curieux.
Pour assurer à la fois la protection des intérêts du vendeur et ceux de l'acheteur lors de la vente d'un véhicule ancien, le vendeur est certes juridiquement tenu d'informer l'acheteur sur les caractéristiques de l'automobile qu'il lui vend mais ce dernier doit également se renseigner lui-même sur ce qu'il achète.

Car la démarche d'acquisition d'une automobile ancienne, de par les spécificités du "produit", comporte déjà en elle-même les indices d'un tempérament et d'une curiosité spécifiques qui distinguent nettement l'amateur d'anciennes de "Monsieur tout le monde", du consommateur "ordinaire" d'automobiles.

Aussi lorsqu'un acheteur mécontent se plaint ensuite de l'état de l'auto, il pourra parfois lui être reproché en retour de ne s'être pas suffisamment renseigné lors de l'achat.

Et le sort des contestations portant sur les véhicules dotés d'une carte grise collection est une bonne illustration de ce principe.

La position des Tribunaux

Les Tribunaux sont indiscutablement intransigeants à l'égard de l'acheteur d'un véhicule immatriculé en collection : tout recours en garantie pour vices cachés contre le vendeur est dans ce cas pratiquement exclu.

Cette règle sévère a été posée par une décision de la Cour d'appel de Paris (1) en s'appuyant sur les restrictions de circulation inhérentes aux véhicules anciens bénéficiant d'une carte grise "collection".

Les extraits les plus significatifs de cette décision méritent d'être reproduits, d'autant qu'elle a par la suite été confirmée par la Cour de cassation (2) :

"Considérant que si, aux termes de l'article 1641 du Code Civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue, il s'agit de ceux qui rendent cette chose impropre à l'usage auquel les parties la destinent ou qui diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus;

Considérant que l'article 23 de l'arrêté du 5 novembre 1984, relatif à l'immatriculation des véhicules de plus de 25 ans d'âge, autorise ceux-ci à circuler sous couvert soit d'une carte grise normale soit d'une carte grise portant la mention "véhicule de collection" et précise :

"La mention "véhicule de collection" implique que "le véhicule ne peut circuler que lors des rallyes ou autres manifestations où est requise la participation de véhicules anciens. "Toutefois, à titre temporaire, les véhicule de collection sont autorisés à circuler dans les mêmes conditions que les véhicules couverts par une carte grise normale à l'intérieur d'une zone constituée par le département d'immatriculation et les départements "limitrophes".

Considérant qu'il ressort de cette réglementation des conditions de circulation des véhicules anciens, comme celui acquis par Alain C...., que la carte grise avec la mention "véhicule de collection" lui indiquait suffisamment par elle-même que l'usage auquel le véhicule est destiné était particulièrement restreint;

Qu'il ne démontre nullement que le véhicule n'était pas apte à l'usage ainsi spécifié;

Qu'en modifiant unilatéralement la destination du véhicule à l'occasion de l'immatriculation de celui-ci, Alain C.... se plaçait hors du champ des obligations que le concours des volontés des parties à la vente s'étaient fixé pour un véhicule de collection; Qu'il ne peut, dès lors, exiger, même du vendeur professionnel, le bon état de fonctionnement et d'entretien qu'il pourrait attendre d'un véhicule normal;

Un double risque pour l'acheteur

Contrairement au véhicule ancien bénéficiant d'une carte grise normale, le véhicule circulant sous couvert d'une carte grise collection est donc présumé comporter des déficiences qui limitent son usage.

D'un point de vue strictement juridique, l'auto immatriculée en collection est considérée comme n'étant destinée qu'à un usage restreint, prudent et occasionnel.

Or, à la différence de la voiture d'occasion de plus de 4 ans pour laquelle le vendeur doit justifier à l'acheteur d'un contrôle technique datant de mois de 6 mois, les transactions en matière de véhicules immatriculés en collection en sont dispensées.

L'acheteur d'un tel véhicule se trouve donc exposé à un double risque, le premier engendrant le second : celui d'être moins bien renseigné sur son état général, faute de contrôle, et celui de se voir opposer une fin de non-recevoir dans un éventuel recours en cas où un vice caché viendrait à se révéler...

C'est le paradoxe de la carte grise de collection.

Le recours à l'expertise

Compte tenu de la situation, on ne peut que vivement conseiller à celui qui entend se rendre acquéreur d'un véhicule immatriculé en collection, s'il ne dispose pas des connaissances ou des moyens d'investigations nécessaires pour se forger une opinion lucide sur son état, de requérir l'expertise d'un professionnel.

L'acheteur pourra obtenir ce conseil en sollicitant du vendeur qu'il présente le véhicule à un contrôle technique volontaire (par opposition aux cas où le contrôle est réglementairement obligatoire) dans un centre agréé, ou mieux, en mandatant lui-même un expert automobile, de préférence spécialisé en véhicules anciens.

De cette manière, plus de mauvaises surprises.


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(1) C.A Paris, 6 novembre 1991, D.1992, I.R p.4

(2) Cass., 1ère Civ. 24 novembre 1993, Jurisp. auto. 1994, p. 200


Peut-on vendre un véhicule sans garantie ?

par Laurent Mercié, avocat au Barreau de Paris

Lors de la vente d'un véhicule, le vendeur peut-il légalement s'exonérer de toute garantie pour les vices cachés qui pourraient l'affecter ?Read more


Vices cachés : le cas de l'acheteur professionnel

Le jeu de la garantie des vices cachés tient compte de la profession des parties à la vente. Qu'en est-il lorsque l'acheteur est un professionnel ?

Absence de garantie

Contrairement à l'acheteur occasionnel ou profane, l'acheteur professionnel est présumé connaître les défauts de l'automobile qu'il achète, par exemple dans le cadre d'une "reprise".

La conséquence est importante puisque lorsqu'un acheteur est reconnu comme "professionnel", il se voit en principe privé de tout recours en garantie pour vices cachés : il ne pourra donc pas obtenir la résolution de la vente pour ce motif.

La qualité d'acheteur professionnel "transforme" ainsi, en quelque sorte, les vices cachés en vices apparents dont l'acheteur n'est pas en droit de se plaindre.

Les raisons de cette sévérité sont aisées à comprendre : on considère qu'un professionnel, à la différence d'un non professionnel, dispose des compétences techniques lui permettant de procéder aux contrôles utiles pour détecter les anomalies.

Ceci dit, reste cependant à préciser ce qu'il faut entendre par professionnel. S'agit-il exclusivement des professionnels de l'automobile, voire de la réparation automobile ? Bref, est-ce que seuls sont privés du recours les mécaniciens patentés, en raison de leurs connaissances en mécanique ?

Qui est acheteur professionnel ?

Il faut savoir que les Tribunaux optent pour une définition très large de l'acheteur professionnel, appréciée néanmoins au cas par cas en fonction des qualifications professionnelles précises de chacun.

Ainsi, la qualité d'acheteur professionnel a-t-elle été reconnue notamment à un transporteur routier (1), un représentant de commerce dans le secteur de l'automobile (2) ou à un ajusteur (3).

Au contraire, n'ont pas été considérés comme acheteurs professionnels, un entrepreneur de travaux publics lors de l'achat d'un engin de chantier (4) ou encore un gérant de station service lorsqu'il se rend acquéreur d'une voiture de tourisme, car ce dernier n'avait pas reçu de formation en mécanique mais en installation de sanitaires (5)....

Le vice indécelable

On se trouve parfois devant cette contradiction qu'un acheteur peut disposer des connaissances lui permettant de juger de l'état d'une automobile mais sans que cela puisse exclure d'importantes erreurs d'appréciation de sa part.

Et c'est pour tenir compte de ce cas de figure que dans sa jurisprudence la plus récente, la Cour de cassation a reconnu à l'acheteur professionnel ou à l'acheteur reconnu comme tel le droit de se prévaloir de vices cachés pour obtenir la résolution d'une vente dès lors qu'il est établi qu'il n'avait pas vu les défauts parce qu'ils étaient difficilement perceptibles sans démontage (6).

Cette solution paraît extrêmement raisonnable puisqu'elle tient compte d'une réalité technique difficilement contestable, à savoir que certains vices peuvent échapper même à la vigilance d'un acheteur professionnel : on parle en la matière de "vices indécelables", c'est à dire de vices indécelables sans démontage (7).

Dans cette même logique, il convient encore de préciser que lorsque le vendeur est de mauvaise foi, qu'il s'est rendu coupable de ruses pour tromper l'acheteur sur l'état du véhicule vendu (maquillage de défauts), peu importe que ce dernier soit un acheteur professionnel ou non : les Tribunaux considèrent en effet dans cette hypothèse que l'acheteur professionnel retrouve la possibilité de se prévaloir des vices cachés puisque ses facultés d'appréciation ont été délibérément mises en échec par une manoeuvre frauduleuse du vendeur.

Les professionnels sont donc également protégés contre les éventuels stratagèmes de vendeurs peu scrupuleux.

(1) Cass. com. 5 octobre 1965, Bull. IV n° 481 -
(2) Cass. com. 3 juin 1982, Jurisp. Auto 1983 p. 60 -
(3) TI Bordeaux, 7 avril 1987, Jurisp. auto. 1987, p.77 -
(4) Cass.1ère civ. 20 décembre 1983, Bull. I n°308 -
(5) CA Bordeaux 15 janvier 1986, Jurisp. auto. 1986 p.387 -
(6) Cass. 1ère civ., 21 février 1989, Jurisp. auto. 1989, p.171 -
(7) Cass. com., 15 novembre 1983, Bull.IV n°311


Le sort du vendeur de mauvaise foi

Bonne ou mauvaise foi ?

Lorsqu'un Tribunal invalide la vente d'un véhicule pour vices cachés mais que le vendeur est reconnu de bonne foi, c'est-à-dire qu'il est établi qu'il ignorait l'existence du défaut grave affectant le véhicule, il ne sera tenu que de restituer le prix à acheteur ainsi que les frais occasionnés par la vente, notamment les frais de transfert de la carte grise.

Le vendeur de bonne foi ne sera donc pas condamné à rembourser à l'acheteur le coût des éventuelles réparations que ce dernier aurait pu faire effectuer sur le véhicule, pour tenter par exemple de remédier au défaut découvert (1).

En revanche, aux termes de l'article 1645 du Code civil, "si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre les restitution du prix qu'il a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur."

La preuve de la mauvaise foi

Lorsque le vendeur est un professionnel, l'acheteur est purement et simplement dispensé de prouver la mauvaise foi : le vendeur professionnel est toujours considéré comme étant de mauvaise foi puisqu'il est juridiquement tenu de connaître les vices pouvant affecter le véhicule vendu, même s'il ne les avait concrètement pas décelés.

En revanche, il reviendra à l'acheteur la charge de démontrer la mauvaise foi du vendeur lorsque ce dernier est un non professionnel s'il entend obtenir des dommages et intérêts, en plus de la restitution du prix de vente.

Les indices retenus

Quels sont donc les indices sur lesquels se fondent les Tribunaux pour considérer que le vendeur était de mauvaise foi ?

Très souvent, l'indice majeur est la rapidité avec laquelle le vendeur a revendu le véhicule : s'il n'est resté propriétaire que très peu de temps, et sauf s'il donne une explication convainquante pour une revente très rapide, il y de bonnes chances pour que cela provienne du fait qu'il avait découvert le mauvais état de l'engin.

A titre d'illustration, il en a été jugé ainsi dans le cas d'un véhicule revendu 8 jours à peine après que le vendeur ait fait établir la carte grise à son nom et après qu'il l'ait présenté comme "tout reconditionné" dans l'annonce de vente alors que l'expertise avait révélé qu'il était en fait affecté de nombreux vices graves compromettant la sécurité de son utilisation (2).

Il a également été jugé que le vendeur était de mauvaise foi lors d'une revente seulement trois semaines après l'achat (3) et même trois mois après l'achat, compte tenu des circonstances (4).

La prise en charge des frais

Si la mauvaise foi du vendeur est établie, l'acheteur aura droit non seulement à la restitution du prix qu'il a payé mais également à l'indemnisation de toutes les conséquences dommageables engendrés pour lui par la résolution du contrat et notamment (5) :

  • frais et coût d'un éventuel crédit,
  • frais de remorquage et/ou de dépannage,
  • frais de retour du conducteur du lieu de l'accident ou de la panne jusqu'à son domicile,
  • frais d'immobilisation du véhicule,
  • frais d'expertise privée,
  • frais de remise en état engagés à pure perte sur le véhicule.

Enfin, il est important de préciser que les conséquences dommageables visées à l'article 1645 du Code Civil incluent également les éventuels dommages corporels que le véhicule aurait pu causer à son conducteur ou même à des tiers lors d'un accident résultant d'un vice caché.

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(1) Cass. com. 12 décembre 1984, Jurisp. auto. 1986, p. 125
(2) TGI de Bordeaux, 29 juin 1988, Jurisp. auto. 1987 p. 26
(3) CA Bourges, 29 juin 1992, JA 1993, p.526
(4) TGI Aix-en-Provence, 8 avril 1987, Jurisp. auto. 1987, p. 251
(5) TI Martigues, 26 mars 1986, Jurisp. auto. 1986, p. 327


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