par Laurent Mercié, avocat au Barreau de Paris
Faisant écho à la situation de l’acheteur professionnel face à la garantie des vices cachés, le vendeur professionnel est lui aussi traité avec plus de sévérité que le vendeur occasionnel. Comment ?
Une sévérité croissante
Force est de constater qu’au cours des années, le statut juridique du vendeur professionnel d’automobiles est devenu de plus en plus rigoureux.
Dans un premier temps, si les Tribunaux considéraient que le vendeur professionnel était présumé de mauvaise foi, ils lui accordaient néanmoins la faculté de démontrer le contraire en prouvant qu’il ignorait concrètement les vices cachés du véhicule vendu, même s’il était techniquement en mesure de les découvrir (par exemple, parce qu’avant de le revendre, le véhicule lui avait paru d’excellente présentation et fonctionnait parfaitement et qu’il n’avait donc pas jugé utile de procéder à un examen approndi).
Il est aujourd’hui clairement affirmé que le vendeur professionnel reste toujours présumé de mauvaise foi, sans possibilité pour lui de démontrer le contraire, qu’il ait ou non procédé à un examen approndi lui ayant permis de découvrir les défauts en cause.
Juridiquement, on considère que le vendeur professionnel est donc tenu de connaître les défauts de l’automobile qu’il vend (1), ce qui l’oblige à payer des dommages et intérêts à l’acheteur lorsqu’un Tribunal prononce la résolution de la vente pour vices cachés.
Le mécanicien amateur
De la même manière, le simple particulier qui indique lors de la vente qu’il a procédé lui-même à des réparations sur le véhicule vendu reconnaît ainsi qu’il dispose de compétences en mécanique.
Cela conduit parfois les Tribunaux à considérer qu’un tel vendeur est de mauvaise foi, qu’il connaissait ou aurait dû connaître les défauts du véhicule comme s’il était un véritable vendeur professionnel (2).
On notera également qu’un ingénieur employé chez un constructeur automobile, compte tenu de sa formation en mécanique, a été assimilé à un vendeur professionnel (3).
De même, la jurisprudence dominante a assimilé le chauffeur routier à un vendeur professionnel (4).
Dépôt-vente chez un professionnel
D’une manière générale, le sort du vendeur professionnel est encore plus rigoureux que celui de l’acheteur professionnel puisqu’il ne peut se réfugier derrière la notion de vice indécelable.
C’est pour cette raison que beaucoup de professionnels du commerce automobile ont cherché à contourner la difficulté en se présentant comme de simples intermédiaires entre l’acheteur et le véritable vendeur au sens juridique du terme, c’est-à-dire l’ancien propriétaire.
C’était, à l’origine, l’un des objectifs du système du dépôt-vente.
Mais la technique s’est révélée inefficace car les Tribunaux ont considéré que le professionnel du marché de l’occasion n’est pas un simple intermédiaire mais un véritable vendeur, avec les obligations qui y sont attachées et ce même s’il n’est pas juridiquement propriétaire du véhicule vendu (5).
En cas d’acquisition d’un véhicule dans le cadre d’un dépôt-vente, l’acheteur insatisfait qui entend se plaindre de vices cachés peut donc non seulement rechercher la responsabilité de l’ancien propriétaire du véhicule mais également celle du professionnel qui est intervenu comme intermédiaire dans la vente.
Force est d’y voir une nouvelle expression de la volonté des Tribunaux de protéger au maximum le consommateur lorsqu’ils estiment qu’il a été abusé.
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(1) Cass. 3ème civ., 18 octobre 1977, Bull. 1977.III. n°348 p.263 – Cass. com., 12 mars 1979, Jurisp. auto. 1980, p. 100 – Cass. com., 16 février 1982, Jurisp. auto. 1982, p.409
(2) TI Martigues, 26 mars 1986, Jurisp. auto. 1986, p. 327 –
(3) CA Versailles, 29 septembre 1983, Jurisp. auto. 1986, p. 74 –
(4) CA Bourges, 29 juin 1992, JA 1993, p.526 –
(5) Paris, 2 juin 1952, D. 1952.713