Le jeu de la garantie des vices cachés tient compte de la profession des parties à la vente. Qu’en est-il lorsque l’acheteur est un professionnel ?
Absence de garantie
Contrairement à l’acheteur occasionnel ou profane, l’acheteur professionnel est présumé connaître les défauts de l’automobile qu’il achète, par exemple dans le cadre d’une « reprise ».
La conséquence est importante puisque lorsqu’un acheteur est reconnu comme « professionnel », il se voit en principe privé de tout recours en garantie pour vices cachés : il ne pourra donc pas obtenir la résolution de la vente pour ce motif.
La qualité d’acheteur professionnel « transforme » ainsi, en quelque sorte, les vices cachés en vices apparents dont l’acheteur n’est pas en droit de se plaindre.
Les raisons de cette sévérité sont aisées à comprendre : on considère qu’un professionnel, à la différence d’un non professionnel, dispose des compétences techniques lui permettant de procéder aux contrôles utiles pour détecter les anomalies.
Ceci dit, reste cependant à préciser ce qu’il faut entendre par professionnel. S’agit-il exclusivement des professionnels de l’automobile, voire de la réparation automobile ? Bref, est-ce que seuls sont privés du recours les mécaniciens patentés, en raison de leurs connaissances en mécanique ?
Qui est acheteur professionnel ?
Il faut savoir que les Tribunaux optent pour une définition très large de l’acheteur professionnel, appréciée néanmoins au cas par cas en fonction des qualifications professionnelles précises de chacun.
Ainsi, la qualité d’acheteur professionnel a-t-elle été reconnue notamment à un transporteur routier (1), un représentant de commerce dans le secteur de l’automobile (2) ou à un ajusteur (3).
Au contraire, n’ont pas été considérés comme acheteurs professionnels, un entrepreneur de travaux publics lors de l’achat d’un engin de chantier (4) ou encore un gérant de station service lorsqu’il se rend acquéreur d’une voiture de tourisme, car ce dernier n’avait pas reçu de formation en mécanique mais en installation de sanitaires (5)….
Le vice indécelable
On se trouve parfois devant cette contradiction qu’un acheteur peut disposer des connaissances lui permettant de juger de l’état d’une automobile mais sans que cela puisse exclure d’importantes erreurs d’appréciation de sa part.
Et c’est pour tenir compte de ce cas de figure que dans sa jurisprudence la plus récente, la Cour de cassation a reconnu à l’acheteur professionnel ou à l’acheteur reconnu comme tel le droit de se prévaloir de vices cachés pour obtenir la résolution d’une vente dès lors qu’il est établi qu’il n’avait pas vu les défauts parce qu’ils étaient difficilement perceptibles sans démontage (6).
Cette solution paraît extrêmement raisonnable puisqu’elle tient compte d’une réalité technique difficilement contestable, à savoir que certains vices peuvent échapper même à la vigilance d’un acheteur professionnel : on parle en la matière de « vices indécelables », c’est à dire de vices indécelables sans démontage (7).
Dans cette même logique, il convient encore de préciser que lorsque le vendeur est de mauvaise foi, qu’il s’est rendu coupable de ruses pour tromper l’acheteur sur l’état du véhicule vendu (maquillage de défauts), peu importe que ce dernier soit un acheteur professionnel ou non : les Tribunaux considèrent en effet dans cette hypothèse que l’acheteur professionnel retrouve la possibilité de se prévaloir des vices cachés puisque ses facultés d’appréciation ont été délibérément mises en échec par une manoeuvre frauduleuse du vendeur.
Les professionnels sont donc également protégés contre les éventuels stratagèmes de vendeurs peu scrupuleux.
(1) Cass. com. 5 octobre 1965, Bull. IV n° 481 –
(2) Cass. com. 3 juin 1982, Jurisp. Auto 1983 p. 60 –
(3) TI Bordeaux, 7 avril 1987, Jurisp. auto. 1987, p.77 –
(4) Cass.1ère civ. 20 décembre 1983, Bull. I n°308 –
(5) CA Bordeaux 15 janvier 1986, Jurisp. auto. 1986 p.387 –
(6) Cass. 1ère civ., 21 février 1989, Jurisp. auto. 1989, p.171 –
(7) Cass. com., 15 novembre 1983, Bull.IV n°311