Contrôle d’alcoolémie : marge d’erreur technique et prescription

A l’égard d’un conducteur, le contrôle de l'alcoolémie ne peut être effectué que dans certaines conditions et selon des cas légaux. Des règles de forme et de procédure strictes s’appliquent selon les dispositions prévues aux articles L. 234-1 et suivants et R. 234-1 et suivants du Code de la route.

En application du Code de la route, un conducteur n’est plus autorisé à conduire un véhicule à partir d’une alcoolémie de 0,5 g/l dans le sang ou de 0,25 mg/l dans l’air expiré. Mais ce seuil est abaissé à 0,2 g/l dans le sang ou de 0,10 mg/l dans l’air expiré pour les conducteurs titulaires d’un permis probatoire, ceux en situation d’apprentissage ou pour les véhicules équipés d’un éthylomètre anti-démarrage (EAD). Ces mesures correspondent aux deux techniques différentes de contrôle de l’alcoolémie.

La Loi prévoit des peines maximales sévères pour la conduite sous l'empire d'un état alcoolique, visées aux articles L. 234-1 et suivants et R. 234-1 et suivants du Code de la route sont sévères. Dans le cas général, de 0,5 g/l à moins de 0,8 g/l dans le sang, ou de 0,25 mg/l à moins de 0,40 mg/l dans l’air expiré, il s’agit d’une simple contravention pour laquelle sont prévues par les textes : une amende forfaitaire de 135 € pouvant être portée à 750 € devant le tribunal de police et 3 ans de suspension judiciaire du permis de conduire. Une fois établie, l’infraction entraîne un retrait de 6 points du permis de conduire.

En cas de taux élevé, à partir de 0,8 g/l dans le sang ou 0,40 mg/l dans l’air expiré, l'infraction devient un délit correctionnel visé à l’article L. 234-1 I du Code de la route et les peines maximales encourues sont alourdies : rétention administrative immédiate du permis pendant 120h ; 2 ans d’emprisonnement ; 4500 € d’amende ; 3 ans de suspension judiciaire du permis de conduire, un stage de sensibilisation à la sécurité routière. Une fois établie, l’infraction entraîne également un retrait de 6 points du permis de conduire.

Le même nombre de points soit 6 est retiré quel que soit le taux d’alcoolémie et que l’infraction soit une contravention ou un délit.

De plus, le préfet du lieu de l’infraction prend généralement pendant la période de rétention de 120h un arrêté de suspension administrative du permis de conduire pour une durée maximum de six mois, qui est une mesure de police administrative qui interdit provisoirement de conduire au conducteur titulaire du permis de conduire.

Un tel arrêté préfectoral est une décision administrative qui peut être contestée dans les deux mois de sa notification, notamment par un recours gracieux au préfet qui a pris la décision ou plus rarement par un recours contentieux devant le Tribunal administratif.

Les mêmes peines s’appliquent en cas de conduite en état d’ivresse manifeste ou de refus de se soumettre aux vérifications d’alcoolémie par les forces de l’ordre. En cas de récidive dans les 5 ans, le permis de conduire est annulé de plein droit, c’est-à-dire automatiquement, sans que le juge puisse moduler cette peine, avec l’interdiction de le repasser pendant 3 ans maximum. Ceci est rare en droit pénal au regard du principe de la personnalisation des peines qu’appliquent généralement les magistrats.

Dans chaque affaire, il convient de vérifier dans quel cadre légal est intervenu le contrôle d’alcoolémie, que ce soit dans le cadre d'un accident de la circulation, d'un contrôle routier à la suite de la constatation d'une infraction routière ou d'une opération de dépistage préventif et systématique. En effet, un agent des forces de l’ordre ne peut légalement procéder aux contrôles de l'imprégnation alcoolique que dans certains cas prévus par le Code de la route.

Si une vérification de l’état alcoolique est intervenue en dehors des cas légaux, sa validité pourrait être mise en cause. Il en serait de même si la procédure n'a pas été régulièrement menée, notamment si certaines mentions indispensables ne figurent pas sur le procès-verbal de police ou si les mentions relatives à l'appareil ayant servi au contrôle, l'éthylomètre, sont erronées ou lorsqu'il n'a pas été vérifié, comme tout appareil de mesure homologué, depuis plus d'un an, ce qui est de nature à faire susciter un doute sur la fiabilité des mesures opérées.

L’éthylomètre, appareil de mesure homologué qui sert à mesurer l’état alcoolique, est soumis aux dispositions de l’arrêté du 8 juillet 2003 relatif au contrôle des éthylomètres (J.O. n° 166 du 20 juillet 2003) et notamment son article 15.

Il prévoit notamment qu’une marge d’erreur technique s’applique aux éthylomètres lorsqu’il énonce :

«Les erreurs maximales tolérées, en plus ou en moins, applicables lors de la vérification périodique ou de tout contrôle en services sont :

- 0,032 mg/l pour les concentrations en alcool dans l’air inférieures à 0,40 mg/ l

- 8% de la valeur mesurée pour les concentrations égales ou supérieures à 0,40 mg/l et inférieures ou égales à 2,00 mg/l ».

L’application de la marge d’erreur est devenue obligatoire

Un arrêt important de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 26 mars 2019, en matière de vérification de l’état alcoolique, a posé le principe que l’agent verbalisateur doit obligatoirement appliquer la marge d’erreur technique aux mesures relevées par un éthylomètre, en application de l’arrêté du 8 juillet 2003 (Cass. Crim. 26 mars 2019 : n° 18-84.900).

La Cour de cassation énonce ainsi que :

« Attendu qu’il se déduit en conséquence de l’article 15 de l’arrêté du 8 juillet 2003 précité que le juge, lorsqu’il est saisi d’une infraction pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique, doit vérifier que, dans le procès-verbal qui fonde la poursuite, il a été tenu compte, pour interpréter la mesure du taux d’alcool effectuée au moyen d’un éthylomètre, des marges d’erreur maximales prévues par ce texte ».

Auparavant, la Cour de cassation avait jugé que l’application de la marge d’erreur technique aux mesures relevées par un éthylomètre, en application de l’arrêté du 8 juillet 2003, était seulement optionnelle pour le juge pénal (Cass. Crim. 24 juin 2009, n° 09-81.119 : Bull. Crim. 2009, n° 134).

Par ailleurs, une jurisprudence administrative en matière d’arrêtés de suspension administrative avait également appliqué de manière obligatoire cette marge d’erreur technique (Conseil d’Etat, 14 février 2018 : CE., 5ème et 6ème Ch. Réunies, n° 407914).

Ce principe a des répercussions intéressantes pour le conducteur qui est poursuivi devant le Tribunal correctionnel lorsque le taux d’alcoolémie retenu apparaît légèrement au-dessus du seuil du taux contraventionnel, puisque si l’agent a omis d’appliquer la marge technique d’erreur et qu’il n'y est fait aucune mention dans le procès-verbal, le taux d’alcoolémie qui pourra être retenu par le Tribunal sera réduit.

Si le taux finalement retenu après application de la marge d’erreur est en dessous du seuil délictuel de 0,40 mg/litre d’air, alors l’infraction ne peut plus être qualifiée de délit correctionnel, mais devient une simple contravention.

Cela présente un intérêt juridique puisque les règles de prescription des délits et des contraventions sont différentes.

Une prescription d’un an en matière de contraventions

Concernant les contraventions, l’article 9 du Code de procédure pénale prévoit que « la prescription de l'action publique est d'une année révolue », mais elle peut être interrompue par certaines actes procéduraux d’instruction ou de poursuite.

Dans certaines affaires correctionnelles, il apparaît qu’aucun acte interruptif de prescription n’est intervenu pour interrompre cette prescription pendant une année. Ce point doit être vérifié par l’avocat du prévenu dans le dossier pénal.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation et en particulier un arrêt de la Chambre criminelle du 7 mai 1996 (N° 95-83.992, Bull. Crim. 1996 n° 196), lorsque le Tribunal correctionnel disqualifie en contravention le délit dont il a été saisi, il doit vérifier que la contravention n’est pas prescrite, à peine de cassation. Le juge vérifie dans le dossier pénal si aucun acte interruptif de prescription n’est intervenu.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation énonce que :

« Attendu qu’il résulte des articles 7 et 9 du Code de procédure pénale qu’en matière de contravention, la prescription de l’action publique est d’une année révolue à compter du jour où l’infraction a été commise, si, dans cet intervalle, il n’a été fait aucun acte d’instruction ou de poursuite ; que ces textes ne prévoient aucune exception à la règle qu’ils édictent ; »

Elle casse un arrêt d’appel qui avait rejeté l’exception de prescription en jugeant ainsi :

« Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que les faits reprochés au prévenu dataient du 30 janvier 1992 et que la citation devant le tribunal avait été délivrée le 14 mars 1994 sans qu’aucun acte interruptif soit intervenu, la cour d’appel a méconnu le principe rappelé ;

D’où il suit que la cassation est encourue ».

Un autre arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 9 juillet 1996 (N° 95-83.418) a aussi énoncé ce principe en précisant qu’il est d’ordre public :

« Attendu que la prescription de l’action publique constitue une exception péremptoire et d’ordre public qui doit être relevée d’office par le juge, à tout moment de la procédure ».

Dans un jugement du 17 décembre 2020, la 24ème Chambre correctionnelle Section 1 du Tribunal judiciaire de Paris a mis en œuvre les principes susvisés en matière d’application de la marge technique des éthylomètres et de prescription de l’action publique.

Dans cette affaire, l’agent verbalisateur avait indiqué dans le procès-verbal deux taux relevés par l’éthylomètre de type DRAGGER modèle 7110 FP, l’un à 0,44 mg/litre d’air et l’autre 0,43 mg/litre d’air.

Selon la jurisprudence constante, c’est la mesure la plus faible de 0,43 mg/litre d’air, qui été retenue à l’encontre du prévenu pour fonder les poursuites.

Le procès-verbal ne faisait pas référence à l’application d’une quelconque marge technique d’erreur, ce qui révélait que l’agent s’était borné à indiquer dans ce procès-verbal les deux mesures d’alcoolémie telles qu’affichées sur l’écran de l’éthylomètre. Le Tribunal a donc fait appliquer la marge technique d’erreur devenue obligatoire en faveur du prévenu.

Là où cela devient intéressant est que l’application de la marge d’erreur de 8% donnait un taux d’alcoolémie pouvant être retenu par le Tribunal de 0,39 mg/l d’air, qui est inférieur au seuil délictuel de 0,40 mg/l d’air.

Les faits donnant lieu aux poursuites ne pouvaient plus être qualifiés de délit mais seulement de contravention.

Or, s’agissant d’une contravention, la prescription de l’action publique est d’un an à compter de la commission des faits selon l’article 9 du Code de procédure pénale.

L’avocat de la défense a soulevé l’exception de prescription. En vérifiant les actes de procédure intervenus dans cette affaire, le Tribunal a pu constater, comme le soutenait la défense, que la prescription d’un an était bien acquise, puisque plus d’un an s’était écoulé sans aucun acte interruptif entre l’acte d’opposition à ordonnance pénale et la convocation du prévenu par un officier de police judiciaire devant le Tribunal correctionnel.

Le Tribunal correctionnel, en jugeant que la prescription était acquise et avait ainsi éteint l’action publique, a prononcé en conséquence la relaxe du prévenu.

En cas de poursuites pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique, l’avocat du prévenu a donc tout intérêt à vérifier dans le procès-verbal si la marge technique d’erreur des éthylomètres a bien été appliquée par l’agent verbalisateur.

Si ce n’est pas le cas, le prévenu pourra invoquer cette marge technique d’erreur et recalculer le taux qui pourrait finalement être retenu par le ministère public. L’avocat de la défense devra vérifier si la prescription d’un an est acquise en examinant attentivement les actes de procédure qui figurent dans le dossier pénal de l’affaire.

Par Me Grégoire Marchac
Avocat à la Cour d’appel de Paris
Administrateur de l’Association des Avocats de l’Automobile.


Quels recours pour contester les avis de contravention ?

La sécurité routière reste un enjeu national et la traque aux contrevenants continue, par des appareils automatisés, des contrôles mobiles ou par la vidéoverbalisation qui se développe surtout en zones urbaines. Quels sont donc les recours pour les conducteurs ?

Des p.v. relevés par des appareils automatisés

En pratique, le plus grand nombre de procès-verbaux de contravention en matière routière est issu des contrôles automatisés avec 26,1 millions de p.v. dressés en 2017. Pour ces infractions, les avis de contravention sont adressés au propriétaire du véhicule. Les locataires les reçoivent aussi systématiquement à la suite de la désignation par les loueurs de véhicules.

Dans le cadre du système de l’amende forfaitaire, pour les contraventions des quatre premières classes, lorsque le propriétaire reçoit l’avis de contravention et qu’il a un doute, il est en droit de demander au centre de contrôle automatisé des infractions situé à Rennes l’envoi des photographies relatives à l’avis en cause, par lettre accompagnée d’une photocopie d’une pièce d’identité, du certificat d’immatriculation du véhicule et de l’avis reçu. Cette démarche n’étant pas suspensive : elle n’interrompt donc pas le délai de 45 jours à compter de la date d’envoi de l’avis pour contester l’infraction.

S’il existe un motif sérieux pour contester l’infraction ou lorsque l’examen des photographies prises par l’appareil automatisé ne permet pas d’identifier clairement et sans équivoque le conducteur au moment des faits, le propriétaire ou le locataire qui reçoit l’avis a la possibilité de contester être l’auteur de l’infraction par une « requête en exonération » en envoyant une lettre recommandée avec A.R., dans les 45 jours de la date d’émission de l’avis, au centre de contrôle automatisé avec le formulaire de requête en exonération daté et signé en joignant l’exemplaire original de l’avis, en application de l’article 529-10 du Code de procédure pénale.

Au stade de l’amende forfaitaire majorée (AFM), la contestation se nomme « réclamation » et doit être adressée en principe dans le délai de trois mois à compter de l’émission de l’avis d’amende forfaitaire majorée selon l’article 530 du Code de procédure pénale. Ces contestations doivent être argumentées en fait et en droit en rappelant les textes applicables et la jurisprudence afin d’avoir des chances sérieuses de succès.

Rappelons qu’en matière de contravention, une personne physique qui est titulaire du certificat d’immatriculation d’un véhicule n’a aucune obligation de désigner la personne qui était le conducteur du véhicule au moment des faits.

En revanche, pour les personnes morales propriétaires ou locataires d’un véhicule, telles que les sociétés commerciales ou les associations, une obligation spécifique de désignation de l’auteur des faits par le représentant légal de la personne morale a été introduite en 2017 et est visée à l’article L. 121-6 du Code de la route.

Dans sa requête en exonération, le propriétaire ou le locataire du véhicule est en droit de contester être personnellement l’auteur de l’infraction. En effet, il revient au ministère public, qui a la charge de la preuve, de prouver qui était le conducteur du véhicule pour engager sa responsabilité pénale personnelle.

En contestant une infraction relevée par un appareil de contrôle automatisé, le propriétaire doit verser une consignation du montant de l’amende forfaitaire, sorte de montant de garantie qui sera remboursé en cas de relaxe, ou viendra en déduction d’une éventuelle amende civile au titre de la responsabilité pécuniaire du titulaire du certificat d’immatriculation ou du locataire.

Lorsque le ministère public ne peut pas prouver que le titulaire du certificat d’immatriculation ou le locataire était effectivement le conducteur du véhicule au moment des faits, notamment lorsque les photographies relatives à l’infraction sont trop sombres, floues ou prises par l’arrière du véhicule, ne permettant ainsi pas d’identifier clairement et sans équivoque le conducteur, les chances de relaxe au plan pénal sont élevées, conformément à la jurisprudence constante.

Une telle relaxe pénale a pour effet d’écarter tout retrait de points et toute inscription de l’infraction au Casier judiciaire. Toutefois, même en cas de relaxe pénale, le juge a la possibilité de prononcer à l’encontre du propriétaire ou du locataire du véhicule une amende civile au titre de la responsabilité pécuniaire visée à l’article L. 121-3 du Code de la route qui n’entraîne aucun retrait de points ni inscription de l’infraction au Casier judiciaire.

Toutefois, si le propriétaire du véhicule peut établir, par tous moyens de preuve, qu’il était ailleurs au moment des faits, par exemple en produisant des billets d’avions ou de train nominatifs, la relaxe totale s’impose avec remboursement de la consignation versée, sans responsabilité pécuniaire.

Les p.v. relevés par vidéoverbalisation peuvent être contestés

En ville, la vidéo-verbalisation est devenue un instrument efficace pour dresser des procès-verbaux à distance. Dans la capitale, près de 1.200 caméras vidéo contrôlent les faits et gestes des usagers. Un agent situé dans une salle de contrôle surveille les écrans projetant les images des caméras vidéo et dresse des p.v. sur un écran dédié. Les informations sont ensuite adressées au centre de contrôle de Rennes qui émet les avis adressés au titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule concerné dont le nom et les coordonnées figurent sur le système des immatriculations (SIV).

Un décret n° 2018-795 du 17 septembre 2018, modifiant notamment les articles R. 130-11 et R. 121-6 du Code de la route, a allongé la liste des contraventions pouvant faire l’objet d’un p.v. établi par un agent à distance et pouvant par ailleurs engager la responsabilité pécuniaire du propriétaire du véhicule ou du locataire. Nombre de p.v. ont déjà été émis pour circulation dans les voies de bus ou sur les pistes cyclables, pour non-respect des feux rouge, refus de priorité à un piéton ou circulation en sens interdit.

Pour ce type de contraventions, le propriétaire ou locataire du véhicule est parfois surpris de recevoir à son domicile un avis qui indique que le contrevenant a fait l’objet d’un « contrôle », sans mentionner expressément que le contrôle résulte de la vidéoverbalisation.

En l’absence d’interception et donc d’identification formelle du conducteur, le propriétaire ou le locataire du véhicule qui reçoit à son domicile un avis de contravention généré par la vidéo-verbalisation est en droit de contester l’infraction par une requête en exonération recevable dans les 45 jours de la date d’émission de l’avis. Il peut contester être personnellement l’auteur des faits et aussi tous autres moyens utiles. Dans ce cas de figure, le propriétaire ou le locataire qui conteste la contravention n’a pas à verser de consignation préalable.

Sauf à prouver par tous moyens qu’il n’est pas l’auteur des faits, il s’expose généralement à une amende civile au titre de sa responsabilité pécuniaire sans retrait de points, comme c’est déjà le cas pour les excès de vitesse ou pour le non-respect des feux rouges fixes relevés par des appareils automatisés.

Dans le cas d’une contravention relevée avec interception du conducteur pour divers types d’infractions, la requête en exonération doit aussi être déposée dans les 45 jours de la date d’émission de l’avis et devra indiquer, au cas par cas, en quoi le procès-verbal était le cas échéant irrégulier ou l’infraction non constituée, par exemple, un p.v. de contravention pour excès de vitesse qui ne mentionne pas le lieu précis de l’infraction est dénué de force probante du fait de cette imprécision.

Par Me Grégoire Marchac
Avocat à la Cour de Paris
Administrateur de l’Association des Avocats de l’Automobile.


Obligation de dénoncer le conducteur : la Cour de cassation en exonère les entrepreneurs individuels et les professions libérales !

Depuis 2017, les chefs d’entreprise, les auto-entrepreneurs, les entrepreneurs individuels et les professions libérales, dont de nombreux médecins et avocats, ont reçu des avis de contravention avec une amende forfaitaire de 675 euros pour la contravention de non désignation du conducteur à la suite d’un avis de contravention relevé par un appareil automatisé pour des infractions listées  aux articles R. 121-6 et R. 130-11 du Code de la route, par exemple, un excès de vitesse, le non-respect d’un feu ou d’un stop ou le non port de la ceinture de sécurité et concernant un véhicule utilisé à titre professionnel.

Un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 21 avril 2020 (N° 530, pourvoi n° 19-86.467) vient apporter en la matière une précision importante.

Cette infraction est visée à  l’article L. 121-6 du Code de la route qui énonce que: "Lorsqu'une infraction constatée selon les modalités prévues à l'article L. 130-9 a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d'immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale, le représentant légal de cette personne morale doit indiquer, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou de façon dématérialisée, selon des modalités précisées par arrêté, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l'envoi ou de la remise de l'avis de contravention, à l'autorité mentionnée sur cet avis, l'identité et l'adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule, à moins qu'il n'établisse l'existence d'un vol, d'une usurpation de plaque d'immatriculation ou de tout autre événement de force majeure.

Le fait de contrevenir au présent article est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe".

Selon la volonté du législateur, cette obligation de désigner le conducteur ne s’applique manifestement pas aux personnes physiques qui sont propriétaires ou locataires d’un véhicule.

De nombreux recours et contestations ont été déposés pour s’opposer à cette infraction, qui se heurte au droit de ne pas s'auto-incriminer et au droit de garder le silence qui sont au coeur de la notion de "procès équitable" reconnue par l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

La Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts tendant à rejeter les moyens liés a au respect de l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des principes constitutionnels.

Ainsi, plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) ont été déposées afin de déterminer si l’article L. 121-6 du Code de la route est contraire à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 intégrée au Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, aux principes d’égalité des citoyens devant la Loi, aux droits de la défense incluant notamment le droit à une procédure juste et équitable, au principe de clarté et à l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la Loi.

Dans un arrêt du 7 février 2018, la Cour de cassation a refusé de transmettre la demande au Conseil constitutionnel en estimant que « l’article L. 121-6 du Code de la route, dont les dispositions sont dépourvues d’ambiguïté, assure un juste équilibre entre les nécessités de la lutte contre l’insécurité routière et le droit de ne pas s’auto-incriminer est conforme au droit constitutionnel » (Cass. crim. QPC, 7 fév. 2018 n° 17-90.023, n° 49 F-D). Mais d’autres QPC sont en cours d’examen et donneront lieu à de futures décisions sur ce sujet.

Par un autre arrêt du 11 décembre 2018 (n° 18-82.628, Bull. crim. n° 207), la Cour de cassation a validé la faculté pour le ministère public de poursuivre le représentant légal et la personne morale ou les deux, en indiquant que les poursuites peuvent être engagées tant contre la personne morale que contre son représentant légal qui a commis l’infraction pour son compte.

En pratique, le ministère public a décidé de poursuivre les sociétés et les associations et leurs représentants légaux, les entrepreneurs individuels, les auto-entrepreneurs et les membres des professions libérales, tels les médecins et les avocats, n’exerçant pas sous forme d’une société. Il a notamment utilisé le fichier des immatriculations et le fichier du répertoire SIRENE regroupant les professionnels, sans vérifier pour chaque poursuite, si une personne morale était bien propriétaire ou locataire du véhicule ayant fait l’objet d’une verbalisation par un appareil automatisé.

Est-ce qu’un professionnel qui n’exerce pas sous la forme d’une société peut être légalement poursuivi condamné pour l’infraction de non-désignation du conducteur ?

Les termes de l’article L. 121-6 du Code de la route sont pourtant clairs : l’infraction n’est prévue par le législateur que si une infraction relevée par un appareil automatisé a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d'immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale.

Qu’est alors qu’une « personne morale » ? Traditionnellement, une personne morale est une entité dotée de la personnalité juridique et qui a, à ce titre, des droits et des obligations. Elle se distingue d’une personne physique. Cela paraît clair, mais pourtant le ministère public a continué à poursuivre pénalement les entrepreneurs individuels et les membres des professions libérales.

En pratique, en cas de réception d’un avis de contravention pour cette infraction, le professionnel n’exerçant pas sous la forme d’une société dotée de la personnalité morale, dépose une requête en exonération dans les 45 jours de la date d'émission de l'avis sollicitant un classement sans suite dans laquelle il indique, en joignant tous justificatifs, être une simple personne physique et qu’il n’exerce pas son activité professionnelle sous la forme d’une société dotée de la personnalité morale.

Dans la majorité des cas, une telle requête en exonération au stade l’avis d’amende forfaitaire, ou une réclamation au stade de l’avis d’amende forfaitaire majorée, permet le classement sans suite des poursuites.

Mais dans certaines affaires, le ministère public s’est entêté : c’est dans l’une d’elles qui a été jusque devant la Cour de cassation, que l’arrêt du 21 avril 2020 a été rendu. Dans cette affaire, c’est un entrepreneur individuel qui a été poursuivi pour la contravention de non désignation du conducteur dressée le 8 août 2018, alors qu’il n’exerçait pas son activité sous la forme d’une société. Le Tribunal de police d’Auxerre l’avait relaxé en déclarant l’infraction non constituée et en se déclarant non saisi. Le ministère public a alors formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation en rejetant le pourvoi, a jugé de manière claire que « l’obligation de désignation résultant de l’article L. 121-6 du Code de la route pèse sur le représentant d’une personne morale, laquelle est une entité qui dispose de la personnalité juridique ».

Elle souligne que c’est au ministère public d’apporter la preuve par tous justificatifs qu’une personne morale est propriétaire ou locataire du véhicule flashé par un appareil automatisé.

La Cour constate que le ministère public ne rapporte pas cette preuve et juge que « l’entreprise prévenue n’étant pas une personne morale, son dirigeant ne pouvait par conséquent être poursuivi », ce qui apparaît conforme au principe d’interprétation stricte de la loi pénale. Tout ce qui n’est pas interdit par la loi pénale doit être autorisé.

Au regard de cet arrêt important de la Cour de cassation, dorénavant si un entrepreneur individuel, un auto-entrepreneur ou un membre d’une profession libérale n’exerçant pas sous la forme d’une société reçoit un avis de contravention pour une infraction relevée par un appareil automatisé, il est certain de ne pas être soumis à l’obligation de désignation du conducteur édictée par l’article L. 121-6 du Code de la route.

Il pourra alors librement décider de payer l’amende, ce qui entraînera ensuite un retrait de point(s) du permis de conduire, ou de contester cette infraction par une requête en exonération dans les 45 jours de l’émission de l’avis, sans désigner le conducteur ni s’auto-désigner.

Si par extraordinaire il était encore poursuivi pour non-désignation, une requête faisait référence à cet arrêt de la Cour de cassation du 21 avril 2020 devrait conduire à l’abandon des poursuites.

Il convient de préciser que nombre de véhicules utilisés par les professionnels susvisés sont en location pour des raisons fiscales. En pratique, le ministère public adresse souvent l’avis à la société de financement qui est propriétaire juridique du véhicule, laquelle dénonce systématiquement son locataire afin d’éviter une contravention pour non désignation. Les professionnels reçoivent donc très souvent les avis de contravention en tant que locataires juridiques du véhicule.

Par ailleurs, si le véhicule est la propriété ou est loué par une personne morale, telle une société, cet arrêt du 21 avril 2020 n’apporte pas de nouveauté.

Il convient alors pour le représentant légal, à réception d’un avis de contravention pour une infraction relevée par un appareil automatisé, de décider soit de désigner un salarié ou un collaborateur, soit de payer l’amende sans dénoncer le conducteur, avec un risque de retrait de point(s) et d’émission d’un avis pour non désignation.

Il pourra aussi décider de contester cette infraction par une requête en exonération dans les 45 jours de l’émission de l’avis. Un dirigeant qui ne dénonce pas le conducteur d’un véhicule de sa société et qui conteste par une requête en exonération être personnellement l’auteur de l’infraction, évite ainsi tout retrait de points pour lui-même et pour le salarié concerné. Mais il s’expose à une amende civile au titre de la responsabilité pécuniaire du représentant légal de la personne morale titulaire du certificat d’immatriculation ou locataire (art. L. 121-3 du Code de la route).

Ensuite, la société risque de recevoir un avis de contravention pour non dénonciation du conducteur avec l'application d'une amende quintuplée, en application de l'article 530-3 du Code de procédure pénale.

Une autre solution consiste pour le dirigeant qui utilise le véhicule de société à indiquer par courrier au ministère public qu’il lui arrive de conduire personnellement et occasionnellement ce véhicule de société. Une telle désignation évite ainsi des poursuites pour non désignation, puisqu’il a bien désigné quelqu’un.

A réception d’un avis de contravention à son nom personnel et à son domicile, le dirigeant est alors en droit de former à titre personnel une requête en exonération dans les 45 jours de l’émission de l’avis, afin de contester être l’auteur des faits dans le cadre de l’infraction routière relevée par un appareil automatisé, telle un excès de vitesse ou le non-respect d’un feu rouge.

Cet arrêt de la Cour de cassation du 21 avril 2020 apporte donc une contribution fort utile à la jurisprudence.

Mais il ne met pas fin au débat judiciaire - ni au contentieux fourni - relatif à cette obligation controversée de désignation du conducteur du véhicule au moment des faits.

Par Me Grégoire Marchac
Avocat associé à la Cour d’appel de Paris
Administrateur de l’Association des Avocats de l’Automobile.


Le point sur le permis à points

Introduction

La loi n° 89-469 du 10.07.1989 instaurant le permis à points est entrée en vigueur le 01.07.1992.

Chaque titulaire du permis de conduire détient à l’origine 12 points.

Le décret n° 2003-642 du 11.07.2003 a quant à lui créé le permis dit probatoire, doté d’un capital de 6 points pour tout nouveau titulaire de permis de conduire à partir du 09.03.2004.

Cette disposition concerne non seulement le conducteur qui obtient pour la première fois le permis de conduire, mais également celui qui a vu son permis annulé par le juge ou invalidé par la perte totale de points.

Il a été institué une liste d’infractions dont la commission entraîne de manière automatique une perte de points allant de 1 pour les moins graves à 6 pour les plus importantes.

Les infractions commises simultanément entrainent un cumul de perte de points dans la limite des deux tiers du nombre maximum de points.

Lorsque l’automobiliste a perdu tous ces points, son permis de conduire est annulé.

La perte de points affecte l’ensemble des catégories de permis de conduire (auto, moto, poids lourd…), quelque soit le véhicule avec lequel elle a été commise.

Une infraction au Code de la Route commise à l’étranger n’entraîne pas de perte de points.

La perte de points ne présente pas le caractère d’une sanction pénale accessoire à une condamnation, de telle sorte que le juge répressif n’a aucun pouvoir d’appréciation sur cette mesure administrative et ne peut donc en aucun cas l’annuler ou la moduler.

La légalité du permis à points

L’ensemble des plus hautes juridictions françaises et européennes a admis la légalité du permis à points.

Le Conseil Constitutionnel a, par décision du 16.06.1989, considéré que la procédure de retrait de points «  ne porte pas atteinte à la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution » et « qu’eu égard à son objet et sous réserve des garanties dont est assortie sa mise en œuvre, elle ne porte pas d’avantage atteinte à la liberté d’aller et de venir ».

Par arrêt du 23.09.1998, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a affirmé que la loi française conduisant au retrait de points était conforme aux exigences de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, puisqu’un retrait de points systématique et automatique n’était que la conséquence d’une procédure pénale permettant au contrevenant de bénéficier d’un tribunal indépendant.

De même, la Cour de Cassation a précisé le 18.05.1994, que l’article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ne concernait pas la procédure administrative de retrait de points affectant le permis de conduire, puisque ce retrait ne présentait pas le caractère d’une sanction pénale accessoire à une condamnation et que de ce fait, elle ne pouvait apprécier l’exception tirée de l’incompatibilité de la loi instaurant le permis à points avec l’article 6-1 de la convention.

En cela, elle a confirmé sa jurisprudence du 06.07.1993, précisant qu’elle ne pouvait apprécier la légalité du texte instaurant le permis à points, puisque cette mesure ne présente pas le caractère d’une sanction pénale accessoire à une condamnation.

Les recours judiciaires en cas de perte de points

L’automobiliste a la possibilité de contester la régularité de la décision administrative de perte de points dont il a fait l’objet devant les juridictions administratives.

Celles-ci examinent la validité et la régularité de l’invalidation du permis de conduire au regard des dispositions du Code de la Route qui ont institué le permis à points.

En cas d’illégalité, le juge ordonne la restitution par l’administration aux conducteurs de leur permis et la restitution des points qui leur ont été illégalement retirés.

Le contrôle porte essentiellement sur l’exigence d’information du contrevenant telle que posée par l’article L 233-3 du Code de la Route qui dispose que : « Lorsque l’intéressé est avisé qu’une des infractions mentionnées à l’article L 11-1 a été relevée à son encontre, il est informé de la perte de points qu’il est susceptible d’encourir, de l’existence d’un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d’exercer ce droit d’accès. »

Ces mentions doivent figurer sur le formulaire qui lui est communiqué ou sur le procès verbal qu’il signe.

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 22.12.1995, a consacré dans les termes suivants le caractère substantiel de l’obligation d’information préalable : « L’accomplissement de ces formalités substantielles qui constituent une garantie essentielle donnée à l’auteur de l’infraction pour lui permettre d’en contester la réalité et d’en mesurer les conséquences sur la validité de son permis, conditionne la régularité de la procédure suivie et partant la légalité du retrait du points… »

Cela a pour conséquence, qu’un retrait de points notifié alors que l’information préalable n’a pas été donnée au contrevenant, doit être annulé, puisqu’il intervient aux termes d’une procédure irrégulière.

Il appartient à l’administration de prouver qu’elle a donné cette information préalable, mais cette preuve peut être rapportée par tout moyen.

Le plus souvent, elle résulte de la production du procès verbal d’infraction sur lequel est indiqué que le contrevenant a été informé qu’il encourait un retrait de points.

Les avis de contravention comportent également mention de la remise au conducteur de l’information prévue par les articles L 222-3 et R 222-3 du Code de la Route.

De manière générale, les procès verbaux précisent que l’auteur de l’infraction s’est vu remettre l’imprimé CERFA 90-0204 comportant les mentions légalement prévues.

Il appartient ensuite au contrevenant de démontrer que les informations qui lui ont été fournies par l’administration étaient erronées

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 21.03.2003, a estimé que la production par l’administration d’un procès verbal destiné au Procureur de la République et portant la mention « Ci-joint : un imprimé CERFA n° 90-0204 pour un retrait de 3 points » était dépourvu de toute valeur dès lors qu’il ne démontrait pas que ce procès verbal avait été remis au contrevenant.

La haute juridiction a dès lors ordonné à l’administration de restituer le permis de conduire à son titulaire, mais aussi de reconnaître à l’intéressé le bénéfice des points illégalement retirés.

Lorsque l’auteur présumé de l’infraction n’a pas reconnu la réalité de celle-ci, n’a pas signé le carnet de déclaration et qu’il soutient que l’information légale ne lui a pas été remise, l’administration doit alors produire un document permettant d’établir le contraire.

A défaut, la procédure est irrégulière et le retrait de points illégal, tel que l’a décidé la Cour Administrative d’Appel de NANCY le 30.05.2005.

Ce raisonnement est aussi celui de la Cour Administrative de BORDEAUX, qui, par arrêt du 14.06.2005, a considéré que lorsque le procès verbal de contravention signé par le contrevenant ne fait pas mention des risques encourus de perte de points du permis de conduire, l’administration ne rapporte pas la preuve qu’elle a satisfait à son obligation d’information.

De ce fait, le retrait de points doit être annulé.

Cette jurisprudence est désormais constante et a été appliquée récemment notamment par les Cours Administratives de BORDEAUX (arrêt du 28.11.2006) et de NANCY (arrêt du 04.12.2006)

La loi impose également à l’administration une obligation d’information sur le retrait de points, une fois celui opéré.

La portée de cette obligation a été singulièrement réduite par un arrêt du Conseil d’Etat du 05.12.2005, aux termes duquel l’absence de preuve de la notification d’une décision de retrait de points du permis de conduire ne conditionne pas la régularité de la procédure suivie et partant la légalité de ce retrait.

Pour le Conseil d’Etat, cette procédure a pour seul objet de rendre ces retraits opposables, à l’intéressé et de faire courir le délai dont il dispose pour contester leur légalité devant la juridiction administrative.

Toutefois, la Cour Administrative d’Appel de PARIS s’est prononcée en sens contraire le 26.01.2006.

Il faut retenir que désormais ce deuxième moyen d’irrégularité a peu de chance d’être suivi dans le cadre d’un contentieux et que la seule arme dont dispose réellement l’automobiliste est celui tiré du défaut d’information préalable.

Le recours devant une juridiction administrative n’est pas suspensif, ce qui signifie que le fait de conduire malgré une injonction de restitution du permis de conduire, expose son auteur, même si la juridiction administration a été saisie, à se voir reprocher un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende.

En outre, le fait de conduire sans permis est une cause de déchéance d’assurance.

Dans la pratique donc, l’auteur d’un accident survenu dans ces conditions, n’est pas assuré et doit assumer lui-même l’indemnisation des victimes ou rembourser au fonds de garantie les sommes payées à ce titre.

Toute personne peut mettre en œuvre elle-même un recours devant les juridictions administratives.

Toutefois, au regard de la complexité de ces procédures, il est souhaitable qu’elle se fasse assister par un avocat, de préférence spécialisé.

Le barème des pertes de points

Les pertes de points peuvent aller de 1 à 6 selon la barème suivant :

1 point

  • Chevauchement d’une ligne continue seule ou quand elle n’est pas doublée par une ligne discontinue
  • Dépassement de moins de 20 km/h de la vitesse maximale autorisée.

2 points

  • Dépassement de la vitesse maximale compris entre 20 et moins de 30 km/h.
  • Accélération de l’allure d’un véhicule sur le point d’être dépassé.
  • Circulation ou stationnement sur un terre-plein central d’autoroute
  • Utilisation d’un téléphone tenu en main.
  • Usage d’un détecteur de radar.

3 points

  • Circulation sans motif sur la partie gauche de la chaussée.
  • Franchissement d’une ligne continue seule ou non doublée par une ligne discontinue.
  • Dépassement de la vitesse maximale compris entre 30 et moins de 40 km/h.
  • Dépassement dangereux.
  • Non-respect des distances de sécurité entre véhicules.
  • Arrêt ou stationnement dangereux.
  • Stationnement sur la chaussée la nuit ou par temps de brouillard, en un lieu dépourvu d’éclairage public, d’un véhicule sans éclairage ni signalisation.
  • Circulation sur la bande d’arrêt d’urgence.
  • Non-port de la ceinture de sécurité par le conducteur.
  • Non-port du casque ou port d’un casque non homologué par le conducteur d’un deux-roues immatriculé.
  • Non respect des restrictions de validité du permis de conduire.

4 points

  • Non-respect de la priorité (intersection, piéton, etc.)
  • Non-respect de l’arrêt imposé par le panneau « STOP » ou par le feu rouge fixe ou clignotant
  • Dépassement de la vitesse maximale compris entre 40 et moins de 50 km/h.
  • Circulation de nuit ou par temps de brouillard, en un lieu dépourvu d’éclairage public, d’un véhicule sans éclairage ni signalisation.
  • Marche-arrière ou demi-tour sur autoroute. Circulation en sens interdit.

6 points

  • Conduite ou accompagnement d’un élève conducteur, avec un taux d’alcoolémie compris entre 0,5 et 0,8 g/l de sang.
  • Dépassement de 50 km/h ou plus de la vitesse maximale autorisée.
  • Homicide involontaire ou blessures causées involontairement à un tiers et entraînant une incapacité de travail.
  • Conduite ou accompagnement d’un élève conducteur, avec un taux d’alcoolémie compris égal ou supérieur à 0,8 g/l dans le sang.
  • Conduite en état d’ivresse manifeste.
  • Refus de se soumettre aux tests de dépistage d’alcoolémie.
  • Récidive de conduite à une vitesse excédant de 50 km/h ou plus la vitesse maximale autorisée (dans une période de trois ans).
  • Délit de fuite.
  • Refus d’obtempérer, d’immobiliser un véhicule, de se soumettre aux vérifications.
  • Gêne ou entrave à la circulation.
  • Usage volontaire de fausses plaques d’immatriculation, défaut volontaire de plaques et fausses déclarations.
  • Conduite malgré la rétention ou la suspension du permis, ou refus de restitution du permis.
  • Conduite après consommation de stupéfiants.
  • Refus de se soumettre aux tests de dépistage de stupéfiants.

Précisions sur les pertes de points et leurs conséquences

En cas de pluralité d’infractions commises simultanément, les pertes de points se cumulent dans la limite des deux tiers du nombre maximum de points.

Le retrait de points est effectif :

  • après condamnation définitive
  • après paiement de l’amende forfaitaire
  • après exécution d’une composition pénale
  • si l’amende forfaitaire majorée n’est pas payée dans les délais.

Le conducteur est informé par lettre simple de ce retrait.

Il a également la possibilité de consulter en préfecture (auprès du service du permis de conduire) son dossier afin de connaître son capital points.

Une telle demande actuellement ne peut être faite qu’en se déplaçant personnellement à la Préfecture.

Ni un mandataire ni un avocat ne peuvent obtenir ces renseignements.

Il n’est pas non plus répondu aux demandes téléphoniques.

La perte totale de points entraîne automatiquement l’interdiction de conduire pendant une durée de six mois tout véhicule nécessitant un permis.

Le permis probatoire

A l’issue d’un délai de 6 mois, après la restitution du permis de conduire invalidé, le titulaire peut solliciter un nouveau permis.

Pour ce faire, il doit :

  • subir un examen médical et psychotechnique le reconnaissant apte à la conduite
  • repasser un examen pour chacun des permis qu’il désire récupérer

S’il était titulaire du permis de conduire depuis moins de 3 ans, ou si son permis avait été annulé ou invalidé pour un an ou plus, il doit repasser les épreuves théoriques et pratiques (code et conduite).

En revanche, s’il était titulaire du permis depuis plus de 3 ans, et s’il sollicite la délivrance d’un nouveau permis dans un délai inférieur à 3 mois après la fin du délai d’interdiction de conduire, il n’a à repasser que l’épreuve du code.

Dans ce cas, les permis qu’il détenait précédemment lui seront à nouveau restitués.

Le conducteur se voit remettre un permis dit probatoire, doté d’un capital de 6 points pour une période de 3 ans, comme un conducteur novice.

Pour disposer automatiquement de 12 points à l’issue de la période probatoire, il ne doit subir aucun retrait de point pendant celle-ci.

Dans le cas contraire, le nombre maximum de point ne sera réattribué qu’à l’issue d’un délai de 3 ans.

En cas de retrait d’au moins 3 points pendant la période probatoire, le titulaire du permis a l’obligation d’effectuer un stage de sensibilisation à la sécurité routière dans un délai de
4 mois, stage qui lui permet de récupérer 4 points.

Le fait de se soustraire à cette obligation est sanctionné d’une amende de 750 € et d’une suspension du permis pour une durée de 3 ans au plus, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle.

En cas de perte de 6 points, il n’y a plus de possibilité de suivre un stage, et le permis est annulé.

Dans ce cas, le délai d’interdiction d’une nouvelle présentation à l’examen est porté de 6 mois à 1 an.

La reconstitution du capital de points

Si, dans un délai de 3 ans suivant la prise d’effet de la dernière perte de point, l’automobiliste ne commet pas de nouvelle infraction entrainant un retrait de point, son capital de 12 points est automatiquement reconstitué.

Il a également la possibilité de récupérer 4 points en suivant un stage de sensibilisation à la sécurité routière.

Un tel stage ne peut être suivi que tous les deux ans et est payant (environ 250 €).

Enfin, les points retirés du fait de contraventions passibles d’une amende forfaitaire sont réattribués au titulaire du permis de conduire à l’expiration d’un délai de 10 ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive, ou du paiement de l’amende forfaitaire correspondante.

Conclusion

Le permis à points avait été instauré pour sensibiliser les conducteurs à la nécessité de respecter les règles de sécurité.

La peur de perdre son permis de conduire a certainement contribué à la réduction du nombre d’accidents de la circulation.

En revanche, la rigueur de l’application de la loi et la multiplication des contrôles exposent les conducteurs, et spécialement ceux qui sont amenés à parcourir de grandes distances régulièrement, à une perte progressive mais rapide de leurs points par la simple commission de contraventions.

C’est ainsi que, de plus en plus de personnes circulent en FRANCE sans être titulaires d’un permis de conduire valide et donc sans être assurés.

Les statistiques sont à cet égard très variables, puisque selon certaines, 2, 5 millions de français rouleraient sans permis, alors que les condamnations pour ces infractions seraient de quelques dizaines de milliers par an.

Il reste néanmoins que ce dernier chiffre ne représente pas la réalité du nombre de conducteurs circulant de manière illégale.

Les pouvoirs publics semblent avoir été sensibles au problème, puisqu’à la suite du comité interministériel sur la sécurité routière du 08/11/06, il a été décidé que le système du permis à points serait modifié au cours de l’année 2007.

C’est ainsi que, le conducteur titulaire d’un permis probatoire (avec un capital de 6 points seulement), acquerra automatiquement 2 points par an sur trois ans au lieu de 6 au terme de la troisième année.

En outre, le conducteur perdant un seul point pourra le récupérer automatiquement au bout d’un an au lieu des trois actuellement, s’il ne commet pas d’infraction pendant cette période.

Celui dont le capital de points deviendrait inférieur à 6 recevra une lettre recommandée pour l’alerter et l’informer de la possibilité de participer à un stage de prévention routière.

En outre, à partir de juillet 2007, chacun a la possibilité d’accéder à son capital de points en consultant un site internet.

Il s’agit certes d’avancées, mais qui toutefois n’apparaissent pas suffisantes aux yeux de nombreux professionnels.