La responsabilité des sous-traitants du garagiste

par Laurent Mercié, avocat au Barreau de Paris

Une décision de la Cour de cassation (1) apporte d'utiles précisions sur la chaîne des responsabilités du garagiste et de ses sous-traitants. Voyons ce qu'il en est...

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La responsabilité des centres de contrôle technique automobile

Rappelons tout d'abord qu'à l'exception des véhicules anciens circulant sous couvert d'une carte grise "collection", tout vendeur d'un véhicule de plus de 4 ans, qu'il soit professionnel ou simple particulier, est tenu de remettre à l'acheteur, préalablement à la vente, un rapport de contrôle technique établi dans un centre agréé et datant de moins de 6 mois (article 5 bis du décret n° 78-993 du 4 octobre 1978).

Il n'y a aucune exception à cette règle en matière de vente aux enchères.

On notera au passage que les tribunaux tirent d'ailleurs de sévères conséquences de l'absence de remise du rapport de contrôle technique par le vendeur à l'acheteur en décidant que cela autorise ce dernier à solliciter la résolution pure et simple de la vente.

Car en effet, et c'était la raison d'être initiale du contrôle technique, il constitue pour l'acheteur une source primordiale d'information lui permettant d'apprécier l'état technique du véhicule qu'il envisage d'acquérir.

La responsabilité des centres de contrôle

En la matière, les centres agréés par l'administration sont garants de la fiabilité des contrôles qu'ils effectuent et lorsqu'ils commettent une faute dans l'exécution des opérations de vérification auxquelles il sont astreints, ils engagent leur responsabilité civile.

Une faute pourra notamment être retenue lorsqu'on pourra établir qu'un défaut n'a pas été signalé dans le rapport de contrôle, aujourd'hui intitulé procès-verbal de contrôle, soit que la vérification pourra être considérée comme ayant été insuffisante (bien que s'opérant sans démontage), soit que l'un des points à vérifier aura purement et simplement été omis de l'examen.

Dans ce cas, la responsabilité civile du centre pourra être mise en oeuvre non seulement par le propriétaire du véhicule mais également, notamment dans l'hypothèse d'un contrôle réalisé pour les besoins d'une vente, par l'acheteur lorsqu'il aura été trompé sur l'état du véhicule par un procès-verbal incomplet ou erroné.

Il en a été jugé ainsi à l'occasion de la vente d'une Peugeot 304 cabriolet 1970 alors que le rapport de contrôle technique avait omis de signaler à l'acheteur une importante oxydation de la coque (Cour d'appel de Lyon, première ch. 11 avril 1991 jurisp. auto 92 p.429).

Mais l'acheteur pourra également mettre en cause la responsabilité du centre lorsque il aura subi un accident après avoir pris la route sans avoir été alerté sur le fait que l'auto était dangereuse.


La responsabilité du garagiste réparateur

Le garagiste voit de plus en plus fréquemment sa responsabilité engagée en cas d'exécution défectueuse ou insuffisante de travaux de réparations confiés par l'un de ses clients.

La tendance des Tribunaux est de protéger le consommateur censé être en état d'infériorité vis-à-vis du professionnel qui de ce fait est fréquemment et lourdement condamné.

Mon intervention ne se veut pas un cours de droit, mais elle consistera, après avoir rappelé les principes juridiques essentiels, à examiner, à travers une synthèse des décisions les plus significatives rendues ces dernières années par la Cour de Cassation, les moyens à mettre en œuvre pour éviter certaines condamnations.

I - LES PRINCIPES DE DROIT

Lorsqu'un client confie son véhicule aux fins de réparations à un garagiste, il se noue entre eux un contrat d'entreprise.

Dans ce cadre, le garagiste contracte plusieurs obligations : de réparer le véhicule, de sécurité et de conseil.

En droit commun de la responsabilité contractuelle, il appartient à celui qui allègue que son cocontractant a mal exécuté sa prestation d'en rapporter la preuve.

En d'autres termes, il doit prouver qu'il a commis une faute.

Dans le cas du garagiste, la jurisprudence retient un principe contraire c'est-à-dire que le garagiste est présumé responsable de la mauvaise réparation et qu'il doit démontrer qu'il n'a pas commis de faute pour s'exonérer de cette responsabilité.

La jurisprudence est allée encore plus loin puisqu'elle considère qu'il existe également une présomption de causalité entre la faute alléguée et le dommage.

II - L'OBLIGATION DE RÉPARER

Le garagiste qui accepte de réparer un véhicule est tenu de le remettre en état de marche.

Il s'agit d'une obligation de résultat dont il ne pourra se libérer si l'intervention se révèle défectueuse qu'en prouvant qu'il n'a commis aucune faute lors de l'intervention.

Il doit démontrer qu'il a suivi les instructions du constructeur, qu'il a été d'une particulière diligence lors de l'exécution de son travail, que la panne qui est survenue postérieurement provient d'une erreur d'utilisation ou d'un défaut d'entretien incombant au client ou qu'elle est la conséquence d'une usure normale du véhicule qui a parcouru un nombre importants de kilomètres depuis son intervention ou que cette panne n'a aucun lien avec son intervention.

Lorsque la cause de la panne reste inconnue, la garagiste est présumé en être responsable.

L'analyse de différentes décisions récentes de la Cour de Cassation permettront d'illustrer ces principes.

- Un client confie à un garagiste un ensemble routier pour le réglage des freins.

Un mois et demi plus tard, en cours de circulation, la roue arrière droite de la remorque éclate entraînant l'incendie de celle-ci.

Assigné, le garagiste se défend en indiquant que l'ensemble routier lui avait été remis pour le seul réglage des freins, opération distincte d'un travail de démontage et remontage et que dès lors il ne peut être présumé responsable de l'arrachement constaté de la garniture de segments de frein.

Il est néanmoins condamné, la Cour relevant qu'aussitôt après son intervention le client a éprouvé des difficultés à désserrer les boulons de la roue arrière droite de la remorque, que l'incendie s'est produit alors que le véhicule n'avait parcouru qu'un faible kilométrage depuis la réparation et qu'il a eu pour origine l'arrachement de segments de frein qui mis en contact avec le tambour ont provoqué un échauffement anormal de la roue, qu'en outre si le garagiste soutient que le simple réglage des freins, seul réclamé par le client, ne nécessite pas la dépose et la remise en place du tambour, le temps d'intervention qui a été facturé est trois fois supérieur à celui nécessité pour un simple travail de réglage et que les fiches de travail tardivement communiquées par le garagiste ne remettent pas en cause les conclusions de l'expert qui, si elles ne prouvent pas la faute du garagiste, n'établissent aucune autre cause d'incendie.

- Les préconisations d'un constructeur imposent un remplacement de l'huile de boîte de vitesses automatique à 40.000km.

Le client n'effectue pas cette vidange et quelque temps après la boîte est hors d'usage.

Un expert judiciaire estime que le client a commis une grave imprudence en ne faisant pas procéder à cette vidange, mais n'indique pas de manière formelle qu'il s'agit de la seule cause de la panne.

Le doute ne pouvant profiter au garagiste qui effectue des travaux de réparations ou d'entretien sur un véhicule, il est condamné.

- Une voiture est endommagée à la suite d'un incendie survenu deux mois après qu'elle ait été confiée à un garagiste pour réparations.

L'ordre de service établi à cette occasion portait sur les contrôles du circuit de charge et de la batterie et le remplacement de celle-ci si nécessaire.

La facture comprenait notamment ces contrôles et la fourniture d'une batterie.

Il résultait de ces pièces qu'aucune réparation n'avait été effectuée sur le circuit électrique et que l'intervention du garage avait été limité au changement de la batterie.

L'expert avait conclu qu'il n'était pas possible de déterminer la cause de l'incendie et avait estimé que le changement de batterie ne pouvait être la cause de l'incendie, puisque le capot ne portait pas de trace d'incendie à l'emplacement de la batterie.

Le garage démontrait qu'il n'avait pas commis de faute, puisqu'il avait apporté lors de la réparation tous les soins nécessaires à la remise en état du véhicule et l'avait restitué en bon état de marche à son propriétaire.

En outre, l'incendie ayant eu lieu plus de deux mois après la réparation et après 900km, il n'existait pas de lien de causalité entre le sinistre et la réparation effectuées.

Un long laps de temps s'étant écoulé entre la première réparation et la seconde panne du véhicule qui au demeurant était utilisé de manière intensive, l'existence d'un lien de causalité entre la réparation et la seconde panne n'est pas démontrée.

La responsabilité du garagiste ne peut donc être retenue.

III - L'OBLIGATION DE CONSEIL

A ce titre, le garagiste doit notamment :

  • mettre en garde le client contre les conséquences du mauvais fonctionnement d'un organe du véhicule (spécialement s'il concerne la sécurité)
  • attirer son attention sur le fait que la réparation est trop onéreuse compte tenu de la valeur vénale du véhicule
  • effectuer les travaux nécessaires et seulement ceux-ci après avoir procédé à un diagnostic complet.

Il ne peut dans ce cadre se fier aux indications de son client qui n'est pas un professionnel.

C'est ainsi par exemple qu'un garagiste a été condamné à rembourser le remplacement du moteur d'un véhicule tombé en panne 150km après qu'il ait été procédé au remplacement d'un joint de culasse sur la base des indications du client qui avait confondu l'indicateur de température d'eau et le témoin de pression d'huile.

Si la défaillance d'une pièce impose une nouvelle intervention après la première réparation, le garagiste doit prouver que l'usure de la pièce défectueuse n'exigeait pas qu'elle fut remplacée lors des premiers travaux.

Le garagiste doit prouver qu'il a rempli son obligation de conseil.

Même s'il s'agit d'un fait qui peut être démontré par tous moyens, la prudence veut de se ménager une preuve écrite.

Si le garagiste établit qu'il a clairement averti son client sur le caractère aléatoire de son intervention, il est alors exonéré de sa responsabilité.

Ainsi par exemple, il est confié à un garagiste aux fins de réparation d'un joint de culasse un moteur à l'évidence hors d'usage.

Le garagiste déconseille cette réparation. Le client insiste néanmoins pour qu'il soit procédé au changement du joint défectueux.

Quelque temps après le moteur cède et le client engage la responsabilité du garagiste. Il est débouté de sa demande.

La Cour considère en effet que le garagiste avait réussi à démontrer qu'il l'avait mis en garde et fait toutes réserves sur la tenue de son intervention, étant précisé également que la réparation avait été effectuée dans les règles de l'art et qu'elle n'était pas à l'origine de la panne ultérieure objet du litige dû à l'affaiblissement d'une pastille d'étanchéité du bloc moteur consécutif au vieillissement et à l'usure du moteur.

IV - L'OBLIGATION DE SÉCURITÉ

Le garagiste en est tenu et ne peut s'en exonérer qu'en prouvant qu'il n'a pas commis de faute.

L'arrêt de principe a été rendu dans une espèce où le client avait perdu le contrôle de son véhicule et occasionné un accident dû selon l'expert à la non remise en place d'un frein d'écrou au cours d'une précédente réparation.

Le garagiste a été déclaré responsable non seulement des dommages matériels et corporels subis par son client, mais également de ceux qu'il avait occasionnés aux tiers impliqués dans l'accident.

Il est important de préciser que le garagiste peut également être poursuivi sur un plan pénal pour mise en danger de la vie d'autrui, blessures ou homicides involontaires.

V - LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES SOUS TRAITANTS

Le garagiste est responsable envers ses clients de ses sous-traitants (rectificateur, carrossier, électricien ...), puisque le client n'a de lien qu'avec lui.

En cas de faute commise par l'un de ses sous traitants il doit donc indemniser son client.

Il peut bien sûr se retourner contre son sous-traitant (responsable vis-à-vis de lui), mais supporte les conséquences d'une éventuelle insolvabilité de celui-ci.

VI - LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES PIÈCES UTILISÉES

Lorsqu'il est membre d'un réseau de distribution, le garagiste doit utiliser des pièces fournies par le constructeur ou de qualité équivalente.

Si la pièce utilisée s'avère défectueuse, le garagiste en est responsable envers son client, mais peut se retourner contre son fournisseur (recours beaucoup plus facile si le fournisseur est le constructeur).

Il faut prendre garde à ne pas utiliser de pièces de contrefaçon car indépendamment des problèmes de qualité, des poursuites judiciaires pourraient être engagées contre le garagiste du simple fait de leur utilisation.

VII - LES LIMITES À LA RESPONSABILITÉ DU GARAGISTE

Il n'est responsable que de ce qu'il lui a été commandé.

Un client demande à son garagiste de procéder au changement d'un balai d'essuie glace et de 4 bougies.

Peu de temps après, il est victime d'une grave panne mécanique.

Il reproche alors à son garagiste de ne pas avoir attiré son attention sur la nécessité d'avoir fait procéder à cette occasion à une vidange complète du véhicule qui avait parcouru plus de 60.000km entre deux révisions.

Il est débouté de ses demandes, la Cour considérant que l'ordre de réparations étant limité au changement d'un balai d'essuie glace et de 4 bougies et ne portant pas sur une révision périodique impliquant une vidange du véhicule, le garagiste en l'absence de commande d'une telle opération n'était pas tenu d'attirer l'attention de son client sur la nécessité d'y procéder.

Il n'est présumé responsable que si la panne trouve sa cause dans un organe sur lequel il est intervenu.

Lorsque la panne trouve sa cause dans la défectuosité d'une pièce fournie par le client, le garagiste n'en est pas responsable.

Le réparateur n'est responsable que des conséquences de sa faute.

Ainsi, par exemple, il procède au remplacement d'un joint de culasse et peu de temps après le moteur cède.

Le client l'assigne en paiement du coût du remplacement du moteur et en remboursement de sa première intervention.

L'expert constate que le remplacement du moteur était en toutes hypothèses nécessaire avant même l'intervention du garagiste.

Celui-ci n'est donc condamné qu'au remboursement de la facture de ces travaux inutiles et non pas au remplacement du moteur.

En cas d'interventions successives de plusieurs garagistes, chacun d'entre eux n'est responsable que des travaux qu'il a lui même effectués.

Ainsi par exemple, un véhicule de collection subit des pannes répétées ( dont une rupture du joint de culasse) à la suite d'une intervention d'un garagiste qui avait pour mission non un remplacement, mais une remise en état de marche du moteur.

L'expert conclut que la rupture du joint de culasse n'était pas la conséquence d'une malfaçon du garage.

Cette défaillance était qualifiée d'imprévisible.

Les réparations effectuées par le garagiste révèlent la mauvaise qualité de la prestation d'un précédent réparateur qui a rendu nécessaire l'intervention du garagiste mis en cause dont l'absence de faute est ainsi prouvée.

Les pannes postérieures ne lui sont donc pas imputables.

VIII - LA NÉCESSITÉ DE L'UTILISATION DES ORDRES DE RÉPARATIONS

Les exemples précédants démontrent que bien souvent le garagiste est condamné parce qu'il n'a pu prouver soit la nature réelle de son intervention, soit qu'il a utilement conseillé son client.

Dans le cas contraire, il est souvent exonéré.

Le meilleur moyen de preuve étant l'écrit, il est impératif avant toute intervention de faire signer au client un ordre de réparations (encore appelé ordre de travail ou ordre de service) le plus détaillé et le plus précis possible car seul ce document permet de prouver ce que le client a commandé et ce qu'il a refusé.

De la même manière, si la nécessité d'autres travaux apparaît en cours d'intervention (après démontage par exemple), il est impératif de demander au client la signature d'un ordre de réparations complémentaire au besoin par fax.

L'ordre de réparations est nécessaire non seulement lorsque la responsabilité du garagiste est engagée car cela lui permet d'établir la nature exacte de son intervention, mais également en cas de litige sur le paiement de sa facture.

En l'absence d'ordre de réparations signé, il est extrêmement difficile d'obtenir le paiement des travaux effectués.

C'est ainsi qu'il a été jugé que le garagiste ne peut réclamer le paiement de travaux qui n'étaient pas prévus au devis et qui avaient été effectués sans l'accord préalable de son client alors même que ces travaux étaient indispensables à une bonne réparation.

Il importe de préciser également clairement sur l'ordre de réparations les travaux nécessaires refusés par le client.

Il doit en toutes hypothèses être démontré par le garagiste qu'il a informé son client sur la nécessité de procéder à ces travaux et que c'est le client qui a pris l'initiative de les refuser.

Si la référence à ces travaux apparaît comme c'est fréquemment le cas sur la facture il est impératif qu'apparaisse au regard de ces mentions la signature du client qui sinon pourrait prétendre, bien qu'ayant payé la facture qu'il n'en a pas eu connaissance.

Les ordres de réparations doivent être établis en trois exemplaires : un remis au client, un à l'atelier et le troisième destiné aux archives.

De la même manière, les fiches d'atelier (ou de travail) doivent être conservées car en cas de litige elles sont systématiquement demandées par les experts judiciaires.

IX - LES CONSÉQUENCES DE LA RESPONSABILITÉ DU GARAGISTE

Lorsque celle-ci est retenue, que ce soit de son fait ou de ses sous-traitants, les conséquences peuvent être très lourdes.

L'exemple extrême est celui du client qui est victime d'un grave accident corporel après avoir confié son véhicule au garagiste (en raison par exemple de la perte d'une roue mal serrée).

Dans des hypothèses plus fréquentes, le garagiste sera tenu de rembourser la facture payée par le client si son intervention a été inefficace.

Si elle a entraîné des conséquences plus graves, il devra en supporter le coût (par exemple remplacement défectueux d'un joint de culasse entraînant la nécessité de remplacer le moteur).

A ces préjudices directs, s'ajoutent également tous autres subis par le client tel que par exemple la nécessité de louer un véhicule pendant la durée de l'immobilisation, ce qui peut conduire au paiement de sommes extrêmement importantes, car l'immobilisation peut durer de nombreux mois, spécialement en cas de procès.

X - CONCLUSION

Nul n'est à l'abri d'une erreur dont il doit naturellement assumer les conséquences.

En revanche, il est anormal d'être condamné, comme c'est souvent le cas, sans avoir commis de faute uniquement parce que l'on n'a pas pu prouver son absence de responsabilité.

Une réflexion sur les indications qui vous ont été données ici et une rigueur de tous les jours notamment dans l'utilisation des ordres de réparations devraient contribuer à vous permettre d'échapper à certaines condamnations, d'exercer votre activité avec plus de sérénité et donc d'assurer à vos clients un service encore meilleur.