Vice caché

J’ai acheté une voiture neuve il y a un peu plus de 3 ans et le moteur vient de casser.
Le mécanicien m’a indiqué qu’il s’agissait d’un défaut de fabrication connu sur ce modèle et a chiffré la réparation à 3.500 €. Le constructeur refuse de la prendre en charge au motif que la garantie était de 3 ans. Ai-je recours ?

la réponse de Fabien KOVAC, Avocat au Barreau de Dijon

Le constructeur se retranche derrière la garantie contractuelle de 3 ans qu’il vous a accordée pour refuser, dans la mesure où elle n’est plus en cours, de prendre en charge les réparations de votre véhicule.

Il semble oublier, sans doute volontairement, qu’il est tenu, en plus de la garantie contractuelle qu’il a consentie, à la garantie légale des vices cachés prévue par le Code Civil.

Tout vendeur est en principe tenu de cette garantie ce qui implique qu’il doit prendre en charge le coût de la réparation si un vice caché apparaît.

Pour que l’existence d’un tel vice soit reconnue, il faut que ce vice existe au moment de la vente, qu’il soit non décelable par un acquéreur profane et qu’il soit d’une certaine gravité. Il semble que dans votre cas ces trois critères soient réunis.

Avant d’engager une procédure qui pourra s’avérer longue et coûteuse, essayer de négocier une prise en charge au moins partielle des réparations par le constructeur ce qui sera d’autant plus facile que la panne est connue sur votre modèle de véhicule.


Vices cachés : le cas de l'acheteur professionnel

Le jeu de la garantie des vices cachés tient compte de la profession des parties à la vente. Qu'en est-il lorsque l'acheteur est un professionnel ?

Absence de garantie

Contrairement à l'acheteur occasionnel ou profane, l'acheteur professionnel est présumé connaître les défauts de l'automobile qu'il achète, par exemple dans le cadre d'une "reprise".

La conséquence est importante puisque lorsqu'un acheteur est reconnu comme "professionnel", il se voit en principe privé de tout recours en garantie pour vices cachés : il ne pourra donc pas obtenir la résolution de la vente pour ce motif.

La qualité d'acheteur professionnel "transforme" ainsi, en quelque sorte, les vices cachés en vices apparents dont l'acheteur n'est pas en droit de se plaindre.

Les raisons de cette sévérité sont aisées à comprendre : on considère qu'un professionnel, à la différence d'un non professionnel, dispose des compétences techniques lui permettant de procéder aux contrôles utiles pour détecter les anomalies.

Ceci dit, reste cependant à préciser ce qu'il faut entendre par professionnel. S'agit-il exclusivement des professionnels de l'automobile, voire de la réparation automobile ? Bref, est-ce que seuls sont privés du recours les mécaniciens patentés, en raison de leurs connaissances en mécanique ?

Qui est acheteur professionnel ?

Il faut savoir que les Tribunaux optent pour une définition très large de l'acheteur professionnel, appréciée néanmoins au cas par cas en fonction des qualifications professionnelles précises de chacun.

Ainsi, la qualité d'acheteur professionnel a-t-elle été reconnue notamment à un transporteur routier (1), un représentant de commerce dans le secteur de l'automobile (2) ou à un ajusteur (3).

Au contraire, n'ont pas été considérés comme acheteurs professionnels, un entrepreneur de travaux publics lors de l'achat d'un engin de chantier (4) ou encore un gérant de station service lorsqu'il se rend acquéreur d'une voiture de tourisme, car ce dernier n'avait pas reçu de formation en mécanique mais en installation de sanitaires (5)....

Le vice indécelable

On se trouve parfois devant cette contradiction qu'un acheteur peut disposer des connaissances lui permettant de juger de l'état d'une automobile mais sans que cela puisse exclure d'importantes erreurs d'appréciation de sa part.

Et c'est pour tenir compte de ce cas de figure que dans sa jurisprudence la plus récente, la Cour de cassation a reconnu à l'acheteur professionnel ou à l'acheteur reconnu comme tel le droit de se prévaloir de vices cachés pour obtenir la résolution d'une vente dès lors qu'il est établi qu'il n'avait pas vu les défauts parce qu'ils étaient difficilement perceptibles sans démontage (6).

Cette solution paraît extrêmement raisonnable puisqu'elle tient compte d'une réalité technique difficilement contestable, à savoir que certains vices peuvent échapper même à la vigilance d'un acheteur professionnel : on parle en la matière de "vices indécelables", c'est à dire de vices indécelables sans démontage (7).

Dans cette même logique, il convient encore de préciser que lorsque le vendeur est de mauvaise foi, qu'il s'est rendu coupable de ruses pour tromper l'acheteur sur l'état du véhicule vendu (maquillage de défauts), peu importe que ce dernier soit un acheteur professionnel ou non : les Tribunaux considèrent en effet dans cette hypothèse que l'acheteur professionnel retrouve la possibilité de se prévaloir des vices cachés puisque ses facultés d'appréciation ont été délibérément mises en échec par une manoeuvre frauduleuse du vendeur.

Les professionnels sont donc également protégés contre les éventuels stratagèmes de vendeurs peu scrupuleux.

(1) Cass. com. 5 octobre 1965, Bull. IV n° 481 -
(2) Cass. com. 3 juin 1982, Jurisp. Auto 1983 p. 60 -
(3) TI Bordeaux, 7 avril 1987, Jurisp. auto. 1987, p.77 -
(4) Cass.1ère civ. 20 décembre 1983, Bull. I n°308 -
(5) CA Bordeaux 15 janvier 1986, Jurisp. auto. 1986 p.387 -
(6) Cass. 1ère civ., 21 février 1989, Jurisp. auto. 1989, p.171 -
(7) Cass. com., 15 novembre 1983, Bull.IV n°311


Le sort du vendeur de mauvaise foi

Bonne ou mauvaise foi ?

Lorsqu'un Tribunal invalide la vente d'un véhicule pour vices cachés mais que le vendeur est reconnu de bonne foi, c'est-à-dire qu'il est établi qu'il ignorait l'existence du défaut grave affectant le véhicule, il ne sera tenu que de restituer le prix à acheteur ainsi que les frais occasionnés par la vente, notamment les frais de transfert de la carte grise.

Le vendeur de bonne foi ne sera donc pas condamné à rembourser à l'acheteur le coût des éventuelles réparations que ce dernier aurait pu faire effectuer sur le véhicule, pour tenter par exemple de remédier au défaut découvert (1).

En revanche, aux termes de l'article 1645 du Code civil, "si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre les restitution du prix qu'il a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur."

La preuve de la mauvaise foi

Lorsque le vendeur est un professionnel, l'acheteur est purement et simplement dispensé de prouver la mauvaise foi : le vendeur professionnel est toujours considéré comme étant de mauvaise foi puisqu'il est juridiquement tenu de connaître les vices pouvant affecter le véhicule vendu, même s'il ne les avait concrètement pas décelés.

En revanche, il reviendra à l'acheteur la charge de démontrer la mauvaise foi du vendeur lorsque ce dernier est un non professionnel s'il entend obtenir des dommages et intérêts, en plus de la restitution du prix de vente.

Les indices retenus

Quels sont donc les indices sur lesquels se fondent les Tribunaux pour considérer que le vendeur était de mauvaise foi ?

Très souvent, l'indice majeur est la rapidité avec laquelle le vendeur a revendu le véhicule : s'il n'est resté propriétaire que très peu de temps, et sauf s'il donne une explication convainquante pour une revente très rapide, il y de bonnes chances pour que cela provienne du fait qu'il avait découvert le mauvais état de l'engin.

A titre d'illustration, il en a été jugé ainsi dans le cas d'un véhicule revendu 8 jours à peine après que le vendeur ait fait établir la carte grise à son nom et après qu'il l'ait présenté comme "tout reconditionné" dans l'annonce de vente alors que l'expertise avait révélé qu'il était en fait affecté de nombreux vices graves compromettant la sécurité de son utilisation (2).

Il a également été jugé que le vendeur était de mauvaise foi lors d'une revente seulement trois semaines après l'achat (3) et même trois mois après l'achat, compte tenu des circonstances (4).

La prise en charge des frais

Si la mauvaise foi du vendeur est établie, l'acheteur aura droit non seulement à la restitution du prix qu'il a payé mais également à l'indemnisation de toutes les conséquences dommageables engendrés pour lui par la résolution du contrat et notamment (5) :

  • frais et coût d'un éventuel crédit,
  • frais de remorquage et/ou de dépannage,
  • frais de retour du conducteur du lieu de l'accident ou de la panne jusqu'à son domicile,
  • frais d'immobilisation du véhicule,
  • frais d'expertise privée,
  • frais de remise en état engagés à pure perte sur le véhicule.

Enfin, il est important de préciser que les conséquences dommageables visées à l'article 1645 du Code Civil incluent également les éventuels dommages corporels que le véhicule aurait pu causer à son conducteur ou même à des tiers lors d'un accident résultant d'un vice caché.

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(1) Cass. com. 12 décembre 1984, Jurisp. auto. 1986, p. 125
(2) TGI de Bordeaux, 29 juin 1988, Jurisp. auto. 1987 p. 26
(3) CA Bourges, 29 juin 1992, JA 1993, p.526
(4) TGI Aix-en-Provence, 8 avril 1987, Jurisp. auto. 1987, p. 251
(5) TI Martigues, 26 mars 1986, Jurisp. auto. 1986, p. 327


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