La pratique de l'expertise judiciaire automobile

LA PRATIQUE DE L’EXPERTISE JUDICIAIRE AUTOMOBILE

Après l’acquisition d’un véhicule automobile, l’acheteur peut se rendre compte plus ou moins rapidement de certains défauts ou de non-conformités. A l’occasion de travaux d’entretien périodique ou de réparations de son véhicule confiés à un garagiste, son propriétaire peut constater des défauts, des pannes ou des dysfonctionnements. Que faire alors ? De tels défauts pou non-conformités nécessitent d’être prouvés pour faire valoir ensuite ses droits. En pratique, pour dépasser le simple ressenti, une réaction émotionnelle et les dénégations des parties, cela nécessite le plus souvent de faire appel à un sachant extérieur au litige et indépendant, l’expert judiciaire. Comment mettre en place une expertise judiciaire et comment se déroule-t-elle ?

Quand un acheteur est mécontent du véhicule neuf ou d’occasion qu’il vient d’acquérir, parfois lorsqu’il tombe en panne peu après la vente, voire le jour-même de la vente, il a tendance à adresser une réclamation au vendeur sur la base de ses propres constatations et impressions, en joignant par exemple des photographies ou un nouveau procès-verbal de contrôle technique indiquant de nombreux défauts. Cette première réaction est utile mais un accord ultérieur entre les parties nécessite souvent l’avis d’un tiers expert qui pourra émettre un avis éclairé sur les défauts ou non-conformités du véhicule. La mise en place d’une expertise amiable en dehors de toute action judiciaire est possible, mais elle n’aboutit pas toujours à un accord amiable et rapide des parties. De plus, les tribunaux ont tendance à exiger un rapport d’expertise judiciaire établi par un expert indépendant des parties pour pouvoir trancher un contentieux au fond.

 

Quel est le rôle d’une expertise judiciaire ?

Face à des défauts avérés du véhicule ou des non-conformités, parfois des vices mécaniques graves, la solution pratique pour la partie qui s’estime lésée consiste à mettre en place une expertise judiciaire en saisissant le Juge des référés avant tout procès au fond, par exemple dans l’optique d’obtenir la résolution judiciaire de la vente ou bien pour obtenir la condamnation du garagiste dont la faute est établie par l’expertise à des dommages et intérêts lorsque des réparations n’ont pas été effectuées conformément aux règles de l’art et aux préconisations du constructeur.

Parfois, lorsque le rapport d’expertise judiciaire est déposé au Tribunal, les avocats des parties peuvent se concerter et convenir d’un accord transactionnel afin de clôturer le litige rapidement et d’éviter aux parties un procès devant le juge du fond.

Plus rarement, la demande d’expertise judiciaire peut être demandée pendant le cours d’un procès au fond en tant que mesure d’instruction, généralement devant le Tribunal judiciaire. Cela arrive si les parties ne peuvent pas présenter de moyens de preuve suffisants, par exemple s’il n’y a eu qu’une expertise amiable bâclée et incomplète. Le juge a alors besoin de l’avis technique d’un expert judiciaire pour l’éclairer sur l’affaire et les défauts du véhicule.

L’expertise éclaire le juge, qui n’a pas à la base de compétences techniques, sur une question purement technique. L’avis de l’expert, qui ne lie pas le juge, l’aide à rendre son jugement. L’expert judiciaire est un technicien spécialisé dans un domaine particulier. Il est chargé de donner un avis au juge sur des points techniques dont dépend la solution d'un litige.

L'expert est inscrit sur une liste nationale des experts par spécialités. Chaque cour d'appel établit aussi sa propre liste d'experts judiciaires. En matière automobile, il existe bien entendu plus d’experts automobiles compétents pour examiner les véhicules modernes. Pour les véhicules de collection, ils sont plus rares. Il peut donc être judicieux pour l’avocat de suggérer au juge un ou plusieurs experts qui sont plus compétents en matière de véhicules anciens. Le juge peut désigner un expert inscrit sur une liste d'une Cour d'appel qui n'est pas dans son ressort, ce qui se comprend si le véhicule ancien est stocké dans une autre région par exemple où aura lieu l’expertise.

La demande de désignation d’un expert judiciaire se fait par voie d’assignation en référé devant le Juge des référés, le plus souvent au lieu où réside la partie adverse ou au lieu où se situe le véhicule à expertiser. Si elle est faite pendant un procès, la demande se fait par des conclusions de l’avocat de la partie qui demande l’expertise.

C’est à l’avocat de la partie qui demande l’expertise sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile de prouver un « intérêt légitime » à une telle demande. Il faut notamment produire quelques premiers éléments sur les défauts constatés, par exemple un diagnostic d’un garage, un devis de remise en état et des photographies ou autres éléments de preuve. Il faut aussi démontrer au juge que l’expertise sera utile pour un futur procès au fond, par exemple pour obtenir la résolution de la vente ou pour engager la responsabilité d’un garagiste réparateur. L’avocat rédige avec soin dans l’assignation les termes de la mission de l’expert souhaitée et cela au cas par cas.

Généralement, dans sa mission, l’expert peut s’adjoindre tout sachant et autre technicien spécialisé, que l’on appelle un « sapiteur », pour l'assister dans l'accomplissement de sa mission. Le juge fixe un délai dans lequel l'expert devra déposer son rapport, généralement quatre mois en matière automobile, ce délai étant renouvelable.

Le juge décrit précisément dans son jugement, en tenant compte de la mission souhaitée par le demandeur, la mission de l’expert, les points à éclaircir et les questions auxquelles il doit répondre. Il indique les éléments ou les faits sur lesquels l'expert doit se prononcer, par exemple l'origine des défauts constatés et le coût de remise en état pour y remédier.

 

Le déroulement des opérations d’expertise judiciaire

Le déroulement de l’expertise judiciaire est encadré par des règles, notamment les articles 263 à 284-1 du Code de procédure civile. L’expert, dans le cadre de sa mission fixée par l’ordonnance de référé doit toujours veiller au respect du principe du contradictoire.

L'expert ne donne qu'un avis technique, il ne donne aucune appréciation juridique, car l’appréciation des responsabilités relève des seuls pouvoirs juridictionnels du juge. Le juge en pratique suit le plus souvent l’avis de l’expert, mais il peut s’en écarter, ce qui arrive lorsque le rapport d’expertise comporte des contradictions ou des incohérences. Pour un véhicule de collection de plus de cinquante ans, il est parfois difficile pour l’expert de déterminer si un vice caché comme un vice mécanique interne du moteur était présent ou non avant l’achat du véhicule. Il émet alors des hypothèses qui sont soumises à la discussion des parties.

Avant de débuter son expertise, l’expert vérifie que la consignation dont le montant est fixé par le juge et qui est généralement d’environ 1500 à 3000 euros selon les affaires, destinée à garantir le paiement de ses honoraires, a bien été versée à la Régie du Tribunal par la partie qui en a la charge, le plus souvent le demandeur à l’expertise. Tout au long de sa mission d'expertise, l'expert peut demander le paiement d'une consignation complémentaire, ce qui est fréquent en pratique.

Les parties sont invitées à participer aux opérations d'expertise, assistées de leur avocat et éventuellement de leur propre expert automobile. Si une partie convoquée refuse de participer et d’être représentée, l’expertise est réputée contradictoire à son égard.

L'expert doit convoquer les parties et leurs avocats à une réunion pour prendre connaissance du dossier et écouter l’exposé des circonstances de l’affaire et les observations des parties. Il réalise les constations techniques en leur présence selon le principe du contradictoire.

Le greffe transmet le dossier de procédure à l'expert qui peut également se faire communiquer par les avocats des parties tous les documents qu'il estime utiles. L'expert fixe un délai aux parties pour qu'elles lui communiquent leurs observations par écrit que l’on appelle des « dires ».

Le respect du contradictoire implique que chaque partie peut exposer son point de vue et discuter des preuves, faits et arguments liés à l'affaire concernée. Si une partie évoque des documents ou fait des observations à l'expert, celles-ci doivent être impérativement communiquées à l'ensemble des parties. De même, l'expert doit communiquer à toutes les parties ses notes et observations et son pré-rapport pour recueillir les observations des parties.

Pour l’expertise d’un véhicule automobile, en général une seule réunion est nécessaire, mais l’expert peut convoquer les parties à une seconde réunion en pratique, par exemple pour valider ou infirmer un point technique, effectuer un démontage complémentaire ou pour permettre à un professionnel d’évaluer le montant des réparations et d’établir un ou des devis de remise en état. L’expert judiciaire est souvent chargé dans sa mission de déterminer le coût de remise en état du véhicule.

La première réunion d’expertise se déroule ainsi en pratique : l’expert réunit les personnes présentes dans une salle de réunion, fait signer une feuille de présence et permet à chaque personne de se présenter que ce soit une partie, son avocat ou son expert automobile personnel.

Ensuite, l’expert rappelle les termes de sa mission telle que fixée par le juge. Il fait des observations sur le contexte de l’affaire, étant précisé qu’avant la réunion il a généralement reçu des pièces des avocats des parties, et permet aux parties et leurs conseils de s’exprimer sur l’affaire. Généralement, l’expert doit retracer l’historique du véhicule avec les entretiens et les réparations effectuées dans le passé. Pour un véhicule de collection ancien de plus de trente ans d’âge, son propriétaire est souvent incapable de fournir des factures sur les entretiens et réparations passées sur une longue période, surtout s’il a acquis récemment le véhicule et que le vendeur ne lui a rien fourni sur son historique. L’expert doit alors mener un examen minutieux du véhicule pour découvrir des traces de chocs, des traces de réparations anciennes ou des pièces détachées changées au fil du temps. Il peut récupérer certaines données auprès de l’Administration, mais cela n’est pas possible pour les véhicules récemment importés de l’étranger.

Pour un véhicule moderne, l’expert fait généralement effectuer un branchement avec une valise électronique ou un ordinateur pour se connecter au système du véhicule. Un rapport comportant la liste des défauts enregistrés dans le système du véhicule peut être édité. Il est alors soumis à un débat contradictoire.

Pour un véhicule ancien, l’expert ne peut pas brancher la valise électronique pour obtenir un rapport sur les codes défauts présents sur le véhicule. Il doit donc opérer à l’ancienne en se fondant sur des constatations sur le véhicule et ses éléments. C’est par exemple en faisant ouvrir le moteur par un technicien que l’expert détermine son état d’usure. Souvent, un prélèvement d’huile moteur est envoyé à un laboratoire pour analyse. La présence de limailles métalliques dans l’huile est le signe d’une usure avancée du moteur, parfois à cause d’une huile moteur usagée et non remplacée en temps voulu. Des outils permettent aussi de tester l’état des planchers. Parfois, en testant le châssis avec un tournevis, il passe à travers, ce qui est le signe d’une corrosion avancée !

Après cette réunion, l’expert et les personnes présentes examinent le véhicule au sol et aussi systématiquement sur un pont élévateur. Le dessous d’un véhicule révèle l’état du châssis, des bas de caisse, des trains roulants, de la suspension et parfois des traces d’accidents anciens, des fuites d’huile ou des réparations anciennes plus ou moins bien faites. C’est le reflet d’un plus ou moins long usage sur la route. L’expert recherche aussi la plaque du constructeur, les frappes à froid du numéro de châssis et les numéros présents sur le véhicule. Il vérifie la conformité des éléments du véhicule, par exemple qu’il est doté de son moteur d’origine. Dans une affaire, l’expert examinait une Jaguar MK II 3,8L et fut étonné de constater qu’elle était équipée d’un moteur 4,2L de Jaguar Type E, une non-conformité évidente et une modification notable permettant d’annuler la vente. A l’aide d’un technicien, il faut parfois procéder à des démontages, notamment du moteur pour évaluer les causes d’une casse moteur ou de son usure prononcée.

A la fin de la réunion, l’expert fait un compte rendu de ses constatations et fournit un premier avis aux personnes présentes qui peuvent s’exprimer. Un procès-verbal peut en être dressé.

Par la suite, l’expert adresse généralement une note technique d’étape retraçant ce qui a été constaté lors de la réunion d’expertise. Les avocats des parties peuvent alors faire des observations écrites par des « dires » en mettant en avant leurs arguments et leurs critiques auxquels l’expert doit répondre et qui seront annexés au rapport final.

Lorsque l'expert a presque achevé sa mission, il établit un pré-rapport pour permettre aux parties d'adresser des observations écrites qui seront annexées au rapport d’expertise, des « dires ». Les parties doivent respecter le délai fixé par l'expert pour faire leurs observations sur ce pré-rapport.

Après avoir tenu compte de ces dires, il établit un rapport d’expertise judiciaire qui est déposé au Tribunal avec ses annexes à l’attention du Juge. Ce rapport est communiqué à toutes les parties. Il marque la fin des opérations d’expertise judiciaire.

Si les parties ne parviennent pas à conclure une transaction, alors ce rapport d’expertise judiciaire sera la pièce centrale du futur procès au fond.

 

Recours possibles et difficultés diverses

Au stade du référé, il arrive qu’une partie souhaite contester l’ordonnance de référé qui a désigné l’expert et définit sa mission. C’est parfois le cas lorsqu’une partie conteste les termes de la mission. Un appel est possible devant la Cour d’appel.

Dans le cas d’une expertise demandée au cours d’un procès au fond et qui serait refusée, il faut généralement attendre le jugement pour faire appel est contester celui-ci.

Il arrive aussi en cours d’expertise judiciaire qu’une partie conteste le champ de la mission et demande une modification ou une extension de la mission de l’expert ou bien soulève des incidents comme la demande de considérer une pièce produite irrecevable. Elle formule cela auprès du juge du contrôle des expertise, qui rend alors une ordonnance. Cela peut permettre à l’expert d’étendre ses investigations par exemple à l’ensemble d’un véhicule où de la corrosion perforante est découverte alors que sa mission était limitée au défaut évident du train avant. Le juge peut demander à l'expert d'exposer verbalement son avis à l'audience, ce qui arrive en pratique lorsqu’il s’agit de modifier le champ de sa mission.

En cours d’expertise, si l'une des parties rencontre des difficultés, par exemple si le délai est très long ou en cas d’absence de communication de pièces par l’autre partie, le juge du contrôle des expertise peut en être informé. Une difficulté est apparue dans une affaire dans laquelle le garage assigné était défaillant et était resté taisant. Le juge a ordonné une expertise et lors de la réunion d’expertise fixée dans les locaux de ce garage, l’expert, le demandeur et son avocat ont constaté avec surprise que le garage avait cessé son activité, que les locaux avaient été totalement vidés et que le véhicule laissé pour réparations qui devait être expertisé avait disparu. Des peintres étaient en train de repeindre les lieux pour une autre entreprise. Le juge a été avisé de cette difficulté assez inhabituelle.

Une fois que l’expert judiciaire a été désigné, le juge des référés lui donne habituellement un délai de 4 mois pour mener son expertise et déposer son rapport. Un rapport peut donc être obtenu dans les affaires simples au bout de quelques mois. Il permet alors aux parties de tenter de transiger. A défaut, il faut saisir le Tribunal judiciaire sur le fond de l’affaire. Celui-ci peut mettre environ un an pour juger l’affaire au fond, sauf complications. Le jugement est généralement exécutoire de plein droit, ce qui signifie qu’il doit être exécuté même si la partie perdante fait appel. En cas d’appel, la procédure est prolongée parfois de deux ans car les Cours d’appel sont fort encombrées.

Dans les cas compliqués, la procédure peut s’allonger, notamment en cas de contestation de l’ordonnance de référé par un appel qui sera alors jugé par la Cour d’appel. De même, pendant l’expertise, en cas de contestation devant le juge du contrôle des expertises, par exemple pour étendre la mission de l’expert, le juge doit alors statuer par ordonnance. Un recours devant la Cour d’appel est possible, ce qui rallonge encore la durée totale de la procédure, qui peut donc en pratique durée plusieurs années dans les affaires complexes. Ces considérations montrent qu’il est donc souhaitable de conclure une transaction après le dépôt du rapport d’expertise afin de clôturer rapidement le litige et d’éviter un procès au fond, si les parties ont en la volonté, ce qui n’est pas toujours le cas.

Avec le dépôt du rapport, l'expert joint à l’attention du Juge sa demande de rémunération qu'il doit communiquer également à toutes les parties. Les parties ont 15 jours pour faire leurs observations écrites à ce sujet. Des contestations peuvent être soulevées devant le Juge en cas de désaccord sur la rémunération de l’expert. Passé ce délai, le Juge fixe la rémunération de l'expert par une ordonnance en fonction des actes accomplis, du respect des délais et du travail fourni.

Après réception du rapport d’expertise, une partie peut demander une contre-expertise si elle conteste tout ou partie du rapport, mais il faudra convaincre le Juge que cela est nécessaire.

Après le dépôt du rapport d’expertise judiciaire et à défaut de transaction entre les parties, la partie qui s’estime lésée sera contrainte d’assigner au fond la partie adverse afin de faire valoir ses droits et que le Tribunal saisi tranche le litige entre les parties.

 

Me Grégoire Marchac

Avocat au Barreau de Paris


Garantie "Pièces et main d'oeuvre"

J’ai acheté chez un garagiste une moto d’occasion qui était garantie 6 mois pièces et main d’œuvre.
Le lendemain de l’achat, je suis tombé en panne et la moto est depuis inutilisable.
Le garagiste refuse de la réparer gratuitement au motif que la pièce à l’origine de la panne est exclue de la garantie. Ai-je un recours ?

la réponse de Fabien KOVAC, Avocat au Barreau de Dijon

La garantie contractuelle qui vous a été consentie s’applique uniquement sur les parties de la moto qui sont expressément visées dans le document que vous avez signé avec le garagiste sauf dans le cas où la garantie précise qu’elle mentionne toutes les composantes de la moto.

Si effectivement la pièce à l’origine de la panne n’est pas visée par la garantie, vous n’êtes pas en droit d’exiger du garagiste qu’il répare gratuitement la moto à ce titre.

Néanmoins, le Code Civil prévoit une garantie qui s’applique chaque fois qu’un professionnel vend un objet.

Il s’agit de la garantie des vices cachés. A ce titre donc, et si la panne a pour origine un vice caché, c'est-à-dire un vice qui n’était pas visible au moment de la vente et qui rend inutilisable la moto, le garagiste doit dans ces conditions procéder à la réparation sans exiger de contrepartie.

S’il refuse, il conviendra que vous saisissiez le Tribunal en demandant une expertise judiciaire qui aura pour but de déterminer l’origine de la panne et le coût des réparations.

Par la suite, vous demanderez au Tribunal qu’il condamne le garagiste à vous payer les sommes déterminées par l’expert.


Peut-on vendre un véhicule sans garantie ?

par Laurent Mercié, avocat au Barreau de Paris

Lors de la vente d'un véhicule, le vendeur peut-il légalement s'exonérer de toute garantie pour les vices cachés qui pourraient l'affecter ?Read more


Vices cachés : le cas de l'acheteur professionnel

Le jeu de la garantie des vices cachés tient compte de la profession des parties à la vente. Qu'en est-il lorsque l'acheteur est un professionnel ?

Absence de garantie

Contrairement à l'acheteur occasionnel ou profane, l'acheteur professionnel est présumé connaître les défauts de l'automobile qu'il achète, par exemple dans le cadre d'une "reprise".

La conséquence est importante puisque lorsqu'un acheteur est reconnu comme "professionnel", il se voit en principe privé de tout recours en garantie pour vices cachés : il ne pourra donc pas obtenir la résolution de la vente pour ce motif.

La qualité d'acheteur professionnel "transforme" ainsi, en quelque sorte, les vices cachés en vices apparents dont l'acheteur n'est pas en droit de se plaindre.

Les raisons de cette sévérité sont aisées à comprendre : on considère qu'un professionnel, à la différence d'un non professionnel, dispose des compétences techniques lui permettant de procéder aux contrôles utiles pour détecter les anomalies.

Ceci dit, reste cependant à préciser ce qu'il faut entendre par professionnel. S'agit-il exclusivement des professionnels de l'automobile, voire de la réparation automobile ? Bref, est-ce que seuls sont privés du recours les mécaniciens patentés, en raison de leurs connaissances en mécanique ?

Qui est acheteur professionnel ?

Il faut savoir que les Tribunaux optent pour une définition très large de l'acheteur professionnel, appréciée néanmoins au cas par cas en fonction des qualifications professionnelles précises de chacun.

Ainsi, la qualité d'acheteur professionnel a-t-elle été reconnue notamment à un transporteur routier (1), un représentant de commerce dans le secteur de l'automobile (2) ou à un ajusteur (3).

Au contraire, n'ont pas été considérés comme acheteurs professionnels, un entrepreneur de travaux publics lors de l'achat d'un engin de chantier (4) ou encore un gérant de station service lorsqu'il se rend acquéreur d'une voiture de tourisme, car ce dernier n'avait pas reçu de formation en mécanique mais en installation de sanitaires (5)....

Le vice indécelable

On se trouve parfois devant cette contradiction qu'un acheteur peut disposer des connaissances lui permettant de juger de l'état d'une automobile mais sans que cela puisse exclure d'importantes erreurs d'appréciation de sa part.

Et c'est pour tenir compte de ce cas de figure que dans sa jurisprudence la plus récente, la Cour de cassation a reconnu à l'acheteur professionnel ou à l'acheteur reconnu comme tel le droit de se prévaloir de vices cachés pour obtenir la résolution d'une vente dès lors qu'il est établi qu'il n'avait pas vu les défauts parce qu'ils étaient difficilement perceptibles sans démontage (6).

Cette solution paraît extrêmement raisonnable puisqu'elle tient compte d'une réalité technique difficilement contestable, à savoir que certains vices peuvent échapper même à la vigilance d'un acheteur professionnel : on parle en la matière de "vices indécelables", c'est à dire de vices indécelables sans démontage (7).

Dans cette même logique, il convient encore de préciser que lorsque le vendeur est de mauvaise foi, qu'il s'est rendu coupable de ruses pour tromper l'acheteur sur l'état du véhicule vendu (maquillage de défauts), peu importe que ce dernier soit un acheteur professionnel ou non : les Tribunaux considèrent en effet dans cette hypothèse que l'acheteur professionnel retrouve la possibilité de se prévaloir des vices cachés puisque ses facultés d'appréciation ont été délibérément mises en échec par une manoeuvre frauduleuse du vendeur.

Les professionnels sont donc également protégés contre les éventuels stratagèmes de vendeurs peu scrupuleux.

(1) Cass. com. 5 octobre 1965, Bull. IV n° 481 -
(2) Cass. com. 3 juin 1982, Jurisp. Auto 1983 p. 60 -
(3) TI Bordeaux, 7 avril 1987, Jurisp. auto. 1987, p.77 -
(4) Cass.1ère civ. 20 décembre 1983, Bull. I n°308 -
(5) CA Bordeaux 15 janvier 1986, Jurisp. auto. 1986 p.387 -
(6) Cass. 1ère civ., 21 février 1989, Jurisp. auto. 1989, p.171 -
(7) Cass. com., 15 novembre 1983, Bull.IV n°311


Vices cachés : le cas du vendeur professionnel

par Laurent Mercié, avocat au Barreau de Paris

Faisant écho à la situation de l'acheteur professionnel face à la garantie des vices cachés, le vendeur professionnel est lui aussi traité avec plus de sévérité que le vendeur occasionnel. Comment ?

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L'obligation de garantie des vices cachés

Par Me Laurent MERCIÉ, Avocat au Barreau de Paris (www.laurentmercie-avocat.fr)

Lorsque l'on étudie le recours en garantie sur le fondement des vices cachés, un constat s'impose rapidement : les principes de droit positif qui gouvernent la matière résultent très largement d'une construction jurisprudentielle autour des défaillances des véhicules automobiles.

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Distinguer arrhes et acompte

par Laurent Mercié, avocat au Barreau de Paris

Dans la pratique, il est extrêmement fréquent qu'une partie remette à l'autre un chèque qu'elle qualifie de "chèque de garantie", c'est-à-dire un chèque qui n'aurait pas vocation à être remis à l'encaissement, sauf en cas d'incident : non représentation de l'objet loué, perte, détérioration etc....
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